Au moment où mon bus traverse le pont Jacques- Cartier, j'aperçois un immense ballon qui vibre au rythme et aux humeurs de Montréal. Ce phylactère, au loin, attise ma curiosité et m'appelle au coeur du Vieux-Montréal. En arrivant par la place Vauquelin, je découvre une nouvelle place au pied de l'Hôtel-de-Ville.
En poursuivant dans le Champ-de-Mars, j'observe le jeu de lumière qui semble faire écho au passage des gens sur le sentier qui le surplombe. Ces silhouettes lumineuses m'invitent vers le grand sentier sinueux qui forme une boucle au périmètre de la Place.
Cette passerelle, inspirée des formes de la verrière de Marcelle Ferron, relie le Champ-de-Mars à l'Agora. Elle m'offre des vues changeantes et me permet d'observer l'animation de la Place et, au-delà, le magistral paysage urbain. Je prends quelques instants pour observer les promeneurs qui me paraissent être des habitants du quartier tant la place leur semble familière. Ils profitent des espaces, intimes ou rassembleurs, qui leur sont offerts.
Devant moi s'ouvre le panorama le plus marquant de la Place, produit par le reflet de la verrière de Marcelle Ferron sur un immense miroir d'eau. Sur la nouvelle façade longeant le Centre de recherche, des centaines de pastilles réfléchissantes m'interpellent et mettent en présence les passants entre eux et avec la ville.
Le rouge des feuilles qui vibrent sous le vent d'automne apportent une touche de gaieté. J'observe une place qui, il y a quelque temps encore, témoignait de l'emprise exercée par l'automobile sur nos villes et nos modes de vie. La tranchée de l'autoroute marquait notre désintérêt du passé au profit d'un attrait pour la modernité dystopique d'une ville faite de sous-lieux, de fonctions segmentées, et reliées par un asphalte aride, caractéristique d'un territoire où la voiture individuelle régnait en maître.
Là où il n'y avait qu'une tranchée, d'où émanait bruit, poussière et mouvements chaotiques, on découvre un lieu tout en harmonie, enfin accessible à tous. Entourée par les silhouettes familières du pont Jacques-Cartier, de l'UQAM, de la cité administrative, des tours du centre-ville et du CHUM, la Place est à la croisée de quartiers différents comme des univers.
Maintenant relié par ce carrefour, devenu lieu de convergence et de rencontre à échelle humaine, je redécouvre une Ville réconciliée qui s'ouvre à demain. Je découvre une Place avec une identité forte et porteuse de sens qui rend hommage aux sacrifices des femmes qui ont mené avant moi une marche pour l'égalité. La beauté du site évoque avec sensibilité le respect que nous avons aujourd'hui pour celles qui se sont levées et ont tracé notre chemin.
La proposition déployée devant moi utilise sobrement tous les outils technologiques à la disposition des concepteurs d'aujourd'hui. Ces outils servent un objectif intemporel : inciter au dialogue et, à travers ces échanges, à de vraies rencontres. Ces objets imposent sur la Place l'idée d'une communauté d'êtres humains, capables de communiquer et de partager. Ainsi, ils activent la Place et, à travers elle, la ville tout entière.
Je descends tranquillement l'escalier qui plonge à travers de la Maison des Montréalaises. Depuis l'extérieur, j'aperçois Chloé Savoie-Bernard qui anime un atelier d'écriture. Je ressens la vibrante vocation toute particulière de ce lieu : cette Maison, que je considère déjà mienne, offre aux riverains une vie de quartier, absente jusqu'ici. En hébergeant des organismes dont c'est la mission, elle participe à mettre en valeur les accomplissements des femmes de Montréal et d'ailleurs. La programmation affichée sur le mur extérieur m'invite à revenir lundi matin pour un cours d'Ashtanga. Les organismes garants de l'animation de la place, la gestion du Café et du verger, cherchent des bénévoles. Je dois m'inscrire ! Cette Maison a définitivement une âme forte. Elle se ramifie jusque dans l'ancien tunnel piéton, transformé en salles collectives et en bibliothèque.
Continuant mon passage, je déambule à travers les grands arbres procurant une fraîcheur bienvenue. L'espace est parsemé d'un mobilier aux formes variées, invitant à s'asseoir seul ou en petit groupe, le temps d'un lunch ou d'une conversation.
Je regarde les rubans téléscripteurs qui diffusent en permanence des sujets variés, souvent liés à la place des femmes dans le monde. Une dame m'aborde et commente l'actualité. Je m'arrête pour lui parler un instant. En discutant, je remarque que chaque espace, chaque élément de la Place des Montréalaises invite au dialogue, aux argumentations utiles et au partage de ces valeurs universelles de liberté, de conquête et d'entraide, défendues par les Grandes Dames si justement célébrées. Nous continuons notre conversation jusqu'au Café, bâtiment lumineux qui évoque une serre circulaire.
Après cet interlude, je retourne sur la Place. Devant moi brille le miroir d'eau et, au-delà, un vaste amphithéâtre qui incite aux rassemblements, aux discours, aux réunions fécondes et aux échanges animés. Je réalise que si Montréal et la société qui l'habite sont en avant vers une égalité entre les personnes, c'est en raison de l'énergie déployée par ces pionnières et par tous ces autres, qui, bien qu'anonymes aujourd'hui, les ont entourées dans leur lutte.
Sautant à pieds joints dans la mince couche d'eau formant le miroir, j'aperçois soudainement la Place Marie-Josèphe Angélique, marquée par la présence de deux tribunes aériennes qui symbolisent les nombreux débats que sa personne a suscités. Encore aujourd'hui, alors que sa culpabilité soulève de larges doutes et que sa condamnation a le goût amer de l'injustice, sa personnalité intrigue et suscite la controverse.
D'ici, je remarque que les passants sont guidés par un design définissant une hiérarchie intuitive des sentiers. Si un lien rapide entre la sortie du métro et la cité administrative est offert aux plus pressés, le passage évident qu'emprunteront flâneurs, cyclistes, visiteurs et explorateurs urbains est celui de la Voie des Montréalaises. Je les aperçois déambuler, découvrir ce paysage urbain et interroger les installations interactives qui provoquent des rencontres inattendues. À l'ouest, je devine sous les pommiers quelques ados qui bouquinent étendus sur la pente douce du verger, entre des enfants en pleine dégustation de pommes tout juste cueillies.
Dans l'Agora, je contourne l'immense table que je frôle de la main. C'est à la Table des Montréalaises, monument habité, entouré de cinquante chaises, que se font les grands rassemblements. Rappel des tablées de nos grands-mères, tout y invite aux rencontres : à l'intérieur de la Table, des liens de communication provoquent le dialogue entre des inconnus assis de part et d'autre. Elle est une allégorie du partage, de la réunion et des prises de décisions concertées. Les gradins de l'amphithéâtre, quant à eux, s'éclairent de façon plus prononcée à mesure que les gens s'y assoient et se rapprochent.
Un vieil homme assis dans l'amphithéâtre me surprend par sa connaissance intime de la Place. Il explique à des passants qu'autour de cette table, les Grandes Dames du passé ont chacune une chaise, et dans le design du mobilier on peut reconnaitre leurs accomplissements et leurs traits de personnalités. Il ajoute que les chaises anonymes rendent hommage à celles qui ont été oubliées, mais aussi celles et ceux qui passent et qui passeront sur la Place, ouvrant d'autres voies.
En remontant sur la passerelle, je redécouvre le grand ballon qui a d'abord capté mon attention et m'a guidé vers cette Place : il doit bien s'élever à plus de 50 mètres de hauteur ! A son pied, un groupe de touristes se rassemblent justement pour entreprendre leur découverte de Montréal.
Je me dis que le contraste entre la césure autoroutière que j'ai toujours détestée et cette nouvelle Place accueillante, empreinte d'humanité, est frappant. Cette humanité s'exprime par son esthétique organique, par la présence d'un verger, du miroir d'eau, et par des espaces qui se complètent et qui fonctionnent ensemble, en symbiose. Reflet de celles qui ont imprégné Montréal de leur volonté, de leur force, de leurs gestes et de leur voix, elle est devenue la nouvelle agora de la montréalité.
J'ai le sentiment que si l'enfant que je porte doit se battre pour l'égalité de tous, c'est ici, dans ce lieu garant des combats que nous devons encore parfois mener, qu'il le fera. Ce nouveau lieu frais, neuf, unique et finalement réinvesti est porteur d'un vif propos citoyen.
Sur le chemin du retour, le souvenir des rencontres faites dans la Place des Montréalaises m'accompagne. Je suis heureuse à l'idée qu'une place publique ait pu traduire les valeurs profondément universalistes qui caractérisent la société québécoise et canadienne aux yeux du monde, se faisant l'écho de la Voix des Montréalaises.
(Tiré du texte du concurrent)
Le propos narratif derrière le concept est fort. La vision de l'équipe a plu au jury quant à l'espace démocratique dans lequel tous et toutes ont leur place et peuvent s'exprimer. Le volet programmatique inclusif et communautaire de la maison des Montréalaises est également un point positif du projet.
La grande table est le coup de coeur de la proposition et est une manière sensible de commémorer les Montréalaises. C'est l'élément phare du concept, qui doit définitivement être mis de l'avant.
La passerelle, avec ses tracés organiques, organise assez bien l'espace. La connexion au Champ-de-Mars n'est cependant pas résolue, de même que l'appel et l'intégration à l'avenue de l'Hôtel-de-ville. Les membres du jury soulignent également que l'espace est difficile à lire, quelque peu décousu. Ceux-ci se questionnent sur la facilité d'appropriation des lieux pour les activités programmées ou spontanées. La flexibilité et la fonctionnalité de la place devront être démontrées en phase 2.
Malgré les points forts qui aient fait en sorte que le jury retienne cette proposition au nombre des finalistes, celle-ci présente des lacunes importantes qui devront être corrigées en phase 2, notamment au plan de la composition générale. Le concept est chargé et possiblement trop festif pour une place pérenne et un espace civique comme celui-ci. Il y a plusieurs éléments disparates et un manque de cohérence en termes de matérialité. Les membres du jury souhaitent en ce sens avoir une meilleure compréhension du rôle des bulles géantes et de leur intégration au caractère de la place. Le jury invite l'équipe à raffiner sa proposition à la deuxième étape afin qu'elle soit plus sobre et simple dans le but d'assurer la pérennité des aménagements. Ce dernier mentionne également que le traitement au sol concentrique n'est pas en relation avec l'oeuvre de Marcelle Ferron. Une plus grande retenue dans le traitement au sol et dans l'aménagement est requise pour la mise en valeur de cette oeuvre magistrale.
(Tiré du rapport du jury)
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- Planche de présentation
- Perspective
- Perspective
- Perspective
- Plan d'implantation
- Coupe
- Schéma
- Schéma
- Planche de présentation
- Planche de présentation
- Perspective
- Perspective
- Perspective
- Perspective
- Perspective
- Perspective
- Perspective
- Perspective
- Plan d'implantation
- Coupe
- Coupe
- Axonométrie
- Axonométrie
- Axonométrie
- Axonométrie
- Schéma
- Schéma
- Schéma
- Schéma
- Schéma
- Schéma
- Schéma
- Schéma
- Schéma
- Schéma
- Schéma
- Schéma
- Schéma
- Schéma