La vie en Haute REZ
par Anne Cormier, publié le 2013-07-05
En lançant le concours d’idées international, REZ — Student Competition for the Design of a University Residence Building in downtown Toronto, ses promoteurs invitaient les étudiants en architecture, génie, design d’intérieur, urbanisme et architecture de paysage à réfléchir à ce qu’est l’université aujourd’hui ainsi qu’au rôle social, intellectuel et urbain d’une résidence étudiante au coeur de Toronto. Ils affirmaient un engagement franc envers l’excellence du projet architectural et leur conviction quant à l’importance des partenariats créatifs pour la réalisation d’un meilleur centre-ville. Au final, des 23 tours urbaines soumises au concours, le projet au titre convivial et bon enfant HAVE A NICE DAY! l’a emporté. Brillamment illustré et expliqué, il a fait l’unanimité.
Créé en tant qu’institut de technologie en 1948, l’Université Ryerson obtient son statut actuel en 1993. Troisième université en importance à Toronto, et seconde au centre-ville, elle se distingue par son implantation résolument urbaine, dans un secteur dur, du côté est de Yonge Street et par l’inventivité des stratégies de développement qu’elle met en oeuvre sur une emprise foncière limitée. Par exemple, des salles de cours construites sur Dundas Square font double usage à des fins de rentabilité : ce sont également des salles de cinéma et une douce odeur de popcorn y flotte en permanence. On citera aussi l’acquisition et la transformation du Maple Leaf Garden en centre sportif universitaire et en grande surface commerciale, rendu possible grâce au rehaussement de la glace d’un étage libérant tout l’espace du rez-de-chaussée.
Le concours d’idées, organisé conjointement par l’Université et le Design Exchange (DX) sous la direction du professeur Ian MacBurnie du Department of Architectural Science, visait le renouvellement du type architectural de la résidence universitaire et de celui de la tour d’habitation urbaine. Il proposait que la vie en résidence puisse participer à l’expérience universitaire globale, qu’une excellente résidence puisse contribuer à attirer et à retenir les meilleurs étudiants et les meilleurs professeurs, voire favoriser le développement intellectuel de ces habitants. Le concours s’adressait à des étudiants, leur expertise étant mise à profit pour explorer ce type de programme et concevoir des propositions innovantes. Le programme soulignait la diversité ethnique de Toronto, la rareté du logement abordable et l’éloignement du lieu de résidence de la vaste majorité de la communauté universitaire de Ryerson. Il citait la mission de cette université populaire et les objectifs de son plan d’ensemble auquel des professeurs et des étudiants du département d’architecture avaient largement contribué. Ce plan d’ensemble vise à développer le campus à la verticale, à favoriser la circulation piétonne et la création d’espaces verts et à promouvoir la réalisation d’excellents projets architecturaux et urbains. L’implantation proposée pour la nouvelle résidence, surnommée REZ, la localisait au périmètre du campus à l’intersection des rues Gerrard et Mutual, lui conférant ainsi un rôle de seuil urbain du campus et de catalyseur de l’essor et du renouvellement de l’est du centre-ville de Toronto. Vaste programme !
En réponse, les concurrents se sont principalement attardés à la conception de la tour elle-même et plus particulièrement des espaces de sociabilité et des espaces personnels. En plus de l’incontournable perspective, la coupe, le schéma et le diagramme ont largement été mis à contribution dans la présentation des meilleures propositions. Dans plusieurs cas, on retrouvait une coupe très aérée, ouverte sur la rue au rez-de-chaussée, ponctuée d’espaces collectifs et de jardins ouverts sur plusieurs niveaux, et offrant des terrasses en toiture. Tout comme les nombreux schémas et diagrammes colorés, ces coupes témoignaient possiblement de la persistante influence d’OMA et de MVRDV dans les écoles, mais aussi d’une énergique envie de vivre dans des lieux lumineux, ouverts et conviviaux. Les concurrentsétudiants, ces autochtones du numérique, ont fait un large usage de logiciels hyperperformants pour générer des images plus que réelles de leurs propositions favorisant parfois des représentations chics et séduisantes d’une vie étudiante pour le moins idéalisée (pas de trace de stress de fin de trimestre). Puis, l’apparente influence de la pratique de jeux virtuels sur la représentation de l’espace peut également laisser songeur : plusieurs concurrents recourant systématiquement, pour décrire l’espace privé, à des vues typiques inspirées de jeux tels SimCity (personnages inclus). Peut-être s’agissait-il d’un trait d’humour… Curieusement, le thème de la tour offrant des vues spectaculaires a peu été exploité dans les propositions, un peu comme s’il était devenu tout à fait banal de vivre en hauteur ou encore comme si le monde créé à l’intérieur des tours offrait beaucoup plus que le panorama torontois. Symétriquement, l’étude de la présence de la tour dans la ville, que ce soit au niveau du ciel ou à celui du sol, n’a été que très vaguement abordée. Le jury du concours (j’y participais) a rapidement remarqué une proposition optimiste, conviviale (allant jusqu’à l’usage de phylactères pour mieux faire parler la coupe), enthousiaste, engageante, très détaillée et hyper illustrée se démarquant nettement de l’ensemble. Le projet HAVE A NICE DAY — A brand new way of life! a valu le premier prix à l’équipe issue de la Chalmers tekniska högskola (Université technique de Chalmers) en Suède. Malgré une définitive édulcoration de la vie étudiante au quotidien, ce projet extrêmement bien présenté offrait la réponse la plus complète et la plus communicatrice à l’appel lancé par le concours.
Quatre années après la tenue du concours, il semble que les stratégies de développement opportunistes aient généralement pris le dessus sur l’idéal architectural, paysager et urbain dans l’ambitieux plan d’ensemble de l’université et le concours étudiant s’est effacé de la mémoire des administrateurs. Dans un contexte où les promoteurs immobiliers abandonnent un marché du condominium complètement saturé et se tournent vers celui du locatif, on estime à environ 3000 le nombre d’unités de logement locatif qui seront construites à Toronto dans les 10 prochaines années. L’université a peu de motifs pour entreprendre un projet de résidence étudiante sur ses rares terrains. Son nom est toutefois associé à la réalisation d’une résidence étudiante située sur Jarvis à proximité de l’université et qui sera complétée en 2016 par le promoteur MPI selon les plans du groupe IBI. Parallèlement, un tout nouveau Student Learning Centre conçu par Snøhetta et Zeidler Partnership Architects est en construction, rue Yonge, sur le site du fameux Sam the Record Man. Deux projets plutôt qu’un, reste encore à voir si on y vivra la vie en (haute) REZ.
Créé en tant qu’institut de technologie en 1948, l’Université Ryerson obtient son statut actuel en 1993. Troisième université en importance à Toronto, et seconde au centre-ville, elle se distingue par son implantation résolument urbaine, dans un secteur dur, du côté est de Yonge Street et par l’inventivité des stratégies de développement qu’elle met en oeuvre sur une emprise foncière limitée. Par exemple, des salles de cours construites sur Dundas Square font double usage à des fins de rentabilité : ce sont également des salles de cinéma et une douce odeur de popcorn y flotte en permanence. On citera aussi l’acquisition et la transformation du Maple Leaf Garden en centre sportif universitaire et en grande surface commerciale, rendu possible grâce au rehaussement de la glace d’un étage libérant tout l’espace du rez-de-chaussée.
Le concours d’idées, organisé conjointement par l’Université et le Design Exchange (DX) sous la direction du professeur Ian MacBurnie du Department of Architectural Science, visait le renouvellement du type architectural de la résidence universitaire et de celui de la tour d’habitation urbaine. Il proposait que la vie en résidence puisse participer à l’expérience universitaire globale, qu’une excellente résidence puisse contribuer à attirer et à retenir les meilleurs étudiants et les meilleurs professeurs, voire favoriser le développement intellectuel de ces habitants. Le concours s’adressait à des étudiants, leur expertise étant mise à profit pour explorer ce type de programme et concevoir des propositions innovantes. Le programme soulignait la diversité ethnique de Toronto, la rareté du logement abordable et l’éloignement du lieu de résidence de la vaste majorité de la communauté universitaire de Ryerson. Il citait la mission de cette université populaire et les objectifs de son plan d’ensemble auquel des professeurs et des étudiants du département d’architecture avaient largement contribué. Ce plan d’ensemble vise à développer le campus à la verticale, à favoriser la circulation piétonne et la création d’espaces verts et à promouvoir la réalisation d’excellents projets architecturaux et urbains. L’implantation proposée pour la nouvelle résidence, surnommée REZ, la localisait au périmètre du campus à l’intersection des rues Gerrard et Mutual, lui conférant ainsi un rôle de seuil urbain du campus et de catalyseur de l’essor et du renouvellement de l’est du centre-ville de Toronto. Vaste programme !
En réponse, les concurrents se sont principalement attardés à la conception de la tour elle-même et plus particulièrement des espaces de sociabilité et des espaces personnels. En plus de l’incontournable perspective, la coupe, le schéma et le diagramme ont largement été mis à contribution dans la présentation des meilleures propositions. Dans plusieurs cas, on retrouvait une coupe très aérée, ouverte sur la rue au rez-de-chaussée, ponctuée d’espaces collectifs et de jardins ouverts sur plusieurs niveaux, et offrant des terrasses en toiture. Tout comme les nombreux schémas et diagrammes colorés, ces coupes témoignaient possiblement de la persistante influence d’OMA et de MVRDV dans les écoles, mais aussi d’une énergique envie de vivre dans des lieux lumineux, ouverts et conviviaux. Les concurrentsétudiants, ces autochtones du numérique, ont fait un large usage de logiciels hyperperformants pour générer des images plus que réelles de leurs propositions favorisant parfois des représentations chics et séduisantes d’une vie étudiante pour le moins idéalisée (pas de trace de stress de fin de trimestre). Puis, l’apparente influence de la pratique de jeux virtuels sur la représentation de l’espace peut également laisser songeur : plusieurs concurrents recourant systématiquement, pour décrire l’espace privé, à des vues typiques inspirées de jeux tels SimCity (personnages inclus). Peut-être s’agissait-il d’un trait d’humour… Curieusement, le thème de la tour offrant des vues spectaculaires a peu été exploité dans les propositions, un peu comme s’il était devenu tout à fait banal de vivre en hauteur ou encore comme si le monde créé à l’intérieur des tours offrait beaucoup plus que le panorama torontois. Symétriquement, l’étude de la présence de la tour dans la ville, que ce soit au niveau du ciel ou à celui du sol, n’a été que très vaguement abordée. Le jury du concours (j’y participais) a rapidement remarqué une proposition optimiste, conviviale (allant jusqu’à l’usage de phylactères pour mieux faire parler la coupe), enthousiaste, engageante, très détaillée et hyper illustrée se démarquant nettement de l’ensemble. Le projet HAVE A NICE DAY — A brand new way of life! a valu le premier prix à l’équipe issue de la Chalmers tekniska högskola (Université technique de Chalmers) en Suède. Malgré une définitive édulcoration de la vie étudiante au quotidien, ce projet extrêmement bien présenté offrait la réponse la plus complète et la plus communicatrice à l’appel lancé par le concours.
Quatre années après la tenue du concours, il semble que les stratégies de développement opportunistes aient généralement pris le dessus sur l’idéal architectural, paysager et urbain dans l’ambitieux plan d’ensemble de l’université et le concours étudiant s’est effacé de la mémoire des administrateurs. Dans un contexte où les promoteurs immobiliers abandonnent un marché du condominium complètement saturé et se tournent vers celui du locatif, on estime à environ 3000 le nombre d’unités de logement locatif qui seront construites à Toronto dans les 10 prochaines années. L’université a peu de motifs pour entreprendre un projet de résidence étudiante sur ses rares terrains. Son nom est toutefois associé à la réalisation d’une résidence étudiante située sur Jarvis à proximité de l’université et qui sera complétée en 2016 par le promoteur MPI selon les plans du groupe IBI. Parallèlement, un tout nouveau Student Learning Centre conçu par Snøhetta et Zeidler Partnership Architects est en construction, rue Yonge, sur le site du fameux Sam the Record Man. Deux projets plutôt qu’un, reste encore à voir si on y vivra la vie en (haute) REZ.