Université du Manitoba, 2012: Un ambitieux projet de campus universitaire placé sous haute organisation
par Carmela Cucuzzella et Camille Crossman, publié le 2014-01-23
À une époque où les universités se doivent d’assumer leurs responsabilités dans l’aménagement urbain, époque également marquée par une compétition féroce du marché académique orchestrée par les classements du type Academic Ranking of World Universities (ARWU) dit de Shanghai, certaines universités ont décidé de miser sérieusement sur le potentiel du concours international dans la recherche de l’excellence. Ce fut le cas lorsque l’Université du Manitoba a décidé de lancer un concours pour l’aménagement de son nouveau campus en décembre 2012.
Intitulé Visionary (re)Generation, ce concours en deux phases fut à la fois ouvert, anonyme et international. Lors de la première étape, 45 équipes en provenance de divers pays dont le Canada, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas et l’Allemagne ont soumis des propositions. Bien que le règlement initial envisageait de retenir jusqu’à 7 équipes pour la deuxième phase, seuls 6 projets ont été admis à concourir.
Pour ce concours d’urbanisme, divers enjeux devaient être conjugués à de grandes attentes de la communauté universitaire, autant qu’aux ambitions du président pour son université. La question communautaire revêtait une dimension particulière, puisqu’avec un ratio de 15 %, le Manitoba est de loin la province canadienne dans laquelle les Premières Nations font véritablement partie intégrante de la communauté. On ne sera donc pas surpris de l’accent mis sur la recherche d’un « esprit du lieu », marquée par une attention soutenue aux attentes des Premières Nations, qui aura traversée l’ensemble du processus. On peut ajouter à cet enjeu délicat, celui d’un climat aux variations extrêmes qui exigent des solutions permettant au minimum de rendre le campus praticable. S’ajoutait encore la question de la complexité d’une échelle urbaine imposant aux équipes de travailler à la reconnexion d’un campus relativement isolé du reste de l’agglomération. De façon à prendre en compte ces divers impératifs, l’Université du Manitoba a choisi de recourir aux services d’une firme allemande, reconnue internationalement pour son expertise dans l’organisation des concours : [phase eins].
À l’occasion de la mise en ligne de la nouvelle interface publique du Catalogue des Concours Canadiens, entièrement reprogrammée, et grâce à la générosité et à la volonté de transparence des organisateurs de ce grand concours, nous présentons une documentation substantielle de toutes les propositions. Face à cette cinquantaine de projets, le rapport du jury offre un mode de catégorisation des diverses idées selon deux groupes. D’une part, ce que l’on pourrait appeler les formes conventionnelles de master plans, donnant large place à la grille orthogonale, d’autre part, les propositions plus innovantes misant sur des grilles permettant à la fois l’autonomie urbaine du campus et sa relation au réseau de circulation.
Pour exemple de ce que le jury a qualifié de stratégie conventionnelle, le projet de l’équipe Perkins et Will + 1X1 Architecture + PFS propose une approche qui a été à la fois appréciée et source de controverses. Le rapport du jury souligne ses qualités de « faisabilité en ce qui a trait à d’importantes attentes du programme, par un projet qui produit un motif urbain équilibré, faits de blocs traditionnels et définissant un centre ayant un véritable potentiel de développement autour du coeur du campus ». Le même rapport fait cependant état de divergences d’appréciation de la vision sous-tendue par ce projet « qui mise sur une adaptation traditionnelle de la forme urbaine qui pourrait apparaître étrangère au contexte culturel et physique existant ». Du côté des approches innovantes, il faut souligner que le projet lauréat, proposé par la firme Janet Rosenberg et Studio inc. + Cibinel Architects Ltd + Landmark Planning et Design inc. fut considéré par le jury comme une stratégie à long terme permettant d’accompagner la régénération du site. La clarté de ce concept, qui mise sur la densification du campus existant incluant la création de quartiers avoisinants, a tout de même suscité certaines discussions dans le jury en ce qui concerne « la relation entre les principes fondamentaux du design urbain et la qualité de stratégies visionnaires pour la création de lieux propices à la vie et au travail ». Le jury a retenu ce projet notamment pour sa capacité à relier la rivière à la fois spatialement et visuellement tout en proposant une planification des quartiers avoisinants à la fois atypique et sensible à la qualité des espaces et des lieux.
Au final, on peut s’interroger sur la décision de l’Université du Manitoba quant au recrutement de la firme européenne [phase eins] pour l’assister dans l’organisation d’un concours international lors même qu’il s’organise de plus en plus de concours au Canada chaque année. Puisqu’il nous a été donné de participer à ce concours à titre d’observateurs scientifiques, nous pouvons suggérer quelques éléments sur la pertinence d’un tel choix. Tout d’abord, nous pouvons témoigner du fait que la question de la transparence n’a pas été un vain mot, et que l’on nous a effectivement permis d’observer les deux phases de délibération sans compromis : ce qui est loin d’être le cas pour tous les concours canadiens. Nous pouvons ajouter que ce type d’organisation de concours ne se limitait pas au « copier-coller » des règlements et des programmes auquel on assiste parfois, mais qu’il s’agissait là d’un processus de planification méticuleux et rigoureux autorisant aussi bien l’évaluation quantitative que le jugement qualitatif. Enfin, et ce n’est pas la moindre des qualités, les organisateurs ont non seulement autorisé, mais également fortement soutenu la diffusion des propositions le plus rapidement possible après le jugement par l’entremise du CCC.
Si les universités ont le devoir d’assumer leur responsabilité dans la restructuration de l’espace public, il fallait un très haut degré d’organisation pour répondre à ces trois piliers du concours que sont la recherche de la qualité, l’équité et la transparence.
Intitulé Visionary (re)Generation, ce concours en deux phases fut à la fois ouvert, anonyme et international. Lors de la première étape, 45 équipes en provenance de divers pays dont le Canada, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas et l’Allemagne ont soumis des propositions. Bien que le règlement initial envisageait de retenir jusqu’à 7 équipes pour la deuxième phase, seuls 6 projets ont été admis à concourir.
Pour ce concours d’urbanisme, divers enjeux devaient être conjugués à de grandes attentes de la communauté universitaire, autant qu’aux ambitions du président pour son université. La question communautaire revêtait une dimension particulière, puisqu’avec un ratio de 15 %, le Manitoba est de loin la province canadienne dans laquelle les Premières Nations font véritablement partie intégrante de la communauté. On ne sera donc pas surpris de l’accent mis sur la recherche d’un « esprit du lieu », marquée par une attention soutenue aux attentes des Premières Nations, qui aura traversée l’ensemble du processus. On peut ajouter à cet enjeu délicat, celui d’un climat aux variations extrêmes qui exigent des solutions permettant au minimum de rendre le campus praticable. S’ajoutait encore la question de la complexité d’une échelle urbaine imposant aux équipes de travailler à la reconnexion d’un campus relativement isolé du reste de l’agglomération. De façon à prendre en compte ces divers impératifs, l’Université du Manitoba a choisi de recourir aux services d’une firme allemande, reconnue internationalement pour son expertise dans l’organisation des concours : [phase eins].
À l’occasion de la mise en ligne de la nouvelle interface publique du Catalogue des Concours Canadiens, entièrement reprogrammée, et grâce à la générosité et à la volonté de transparence des organisateurs de ce grand concours, nous présentons une documentation substantielle de toutes les propositions. Face à cette cinquantaine de projets, le rapport du jury offre un mode de catégorisation des diverses idées selon deux groupes. D’une part, ce que l’on pourrait appeler les formes conventionnelles de master plans, donnant large place à la grille orthogonale, d’autre part, les propositions plus innovantes misant sur des grilles permettant à la fois l’autonomie urbaine du campus et sa relation au réseau de circulation.
Pour exemple de ce que le jury a qualifié de stratégie conventionnelle, le projet de l’équipe Perkins et Will + 1X1 Architecture + PFS propose une approche qui a été à la fois appréciée et source de controverses. Le rapport du jury souligne ses qualités de « faisabilité en ce qui a trait à d’importantes attentes du programme, par un projet qui produit un motif urbain équilibré, faits de blocs traditionnels et définissant un centre ayant un véritable potentiel de développement autour du coeur du campus ». Le même rapport fait cependant état de divergences d’appréciation de la vision sous-tendue par ce projet « qui mise sur une adaptation traditionnelle de la forme urbaine qui pourrait apparaître étrangère au contexte culturel et physique existant ». Du côté des approches innovantes, il faut souligner que le projet lauréat, proposé par la firme Janet Rosenberg et Studio inc. + Cibinel Architects Ltd + Landmark Planning et Design inc. fut considéré par le jury comme une stratégie à long terme permettant d’accompagner la régénération du site. La clarté de ce concept, qui mise sur la densification du campus existant incluant la création de quartiers avoisinants, a tout de même suscité certaines discussions dans le jury en ce qui concerne « la relation entre les principes fondamentaux du design urbain et la qualité de stratégies visionnaires pour la création de lieux propices à la vie et au travail ». Le jury a retenu ce projet notamment pour sa capacité à relier la rivière à la fois spatialement et visuellement tout en proposant une planification des quartiers avoisinants à la fois atypique et sensible à la qualité des espaces et des lieux.
Au final, on peut s’interroger sur la décision de l’Université du Manitoba quant au recrutement de la firme européenne [phase eins] pour l’assister dans l’organisation d’un concours international lors même qu’il s’organise de plus en plus de concours au Canada chaque année. Puisqu’il nous a été donné de participer à ce concours à titre d’observateurs scientifiques, nous pouvons suggérer quelques éléments sur la pertinence d’un tel choix. Tout d’abord, nous pouvons témoigner du fait que la question de la transparence n’a pas été un vain mot, et que l’on nous a effectivement permis d’observer les deux phases de délibération sans compromis : ce qui est loin d’être le cas pour tous les concours canadiens. Nous pouvons ajouter que ce type d’organisation de concours ne se limitait pas au « copier-coller » des règlements et des programmes auquel on assiste parfois, mais qu’il s’agissait là d’un processus de planification méticuleux et rigoureux autorisant aussi bien l’évaluation quantitative que le jugement qualitatif. Enfin, et ce n’est pas la moindre des qualités, les organisateurs ont non seulement autorisé, mais également fortement soutenu la diffusion des propositions le plus rapidement possible après le jugement par l’entremise du CCC.
Si les universités ont le devoir d’assumer leur responsabilité dans la restructuration de l’espace public, il fallait un très haut degré d’organisation pour répondre à ces trois piliers du concours que sont la recherche de la qualité, l’équité et la transparence.