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Warming Huts v. 2012 - Cabanes conceptuelles sur glace
par Milosz Jurkiewicz, publié le 2016-02-16
L’exposition Warming Huts 2012 reposait sur un concours d’art et d’architecture dont l’objectif visait à « repousser les limites de la conception, de l’artisanat et de l’art ». Regroupant architectes et artistes, chaque équipe de ce concours ouvert à l’international, sans thématique particulière, devait concevoir des abris ou cabanes traitant du froid, de vent, de la beauté et de la tectonique sur une piste de glace. Trois des propositions furent finalement installées sur un tronçon de 6,1 km de la piste Red River Mutual Trail en autant de réponses éphémères à la question de l’habitabilité dans les climats froids.

On doit l’expression Warming Huts à l’architecte de Sputnik Architecture, Peter Hargraves, et à son expérience intime avec des conditions météorologiques subarctiques près de Winnipeg. Dans la capitale du Manitoba, les hivers peuvent s’étendre jusqu’à 6 mois et descendre sous des températures de -40 C. Hargraves a réalisé non seulement la nécessité, mais l’opportunité d’organiser un concours — suivi d’une exposition — pour des abris temporaires qui répondent à ce climat intransigeant. En plus des trois gagnants, l’édition 2012 a mobilisé une équipe de l’architecte Frank Gehry, ainsi que des étudiants de l’Université du Manitoba, tous invités à présenter une installation. Chaque hutte, ou installation devait entrer dans un budget de 16 500 CAD. Concours sans programme préalable, les projets ont été évalués en fonction de « l’utilisation des matériaux, la fourniture des abris, la poétique de l’assemblage et de la forme, l’intégration dans le paysage, et la facilité de construction ».

La réponse internationale fut riche et diversifiée, avec des propositions en provenance de la République tchèque, des États-Unis, d’Israël, de la Norvège et de l’Allemagne. La plupart des propositions ont gravité autour de schèmes architecturaux plutôt que d’installations artistiques selon un spectre allant de l’hyperfonctionnalité jusqu’au spectacle. Il semble que les concours aux contraintes extrêmes engendrent des résultats extrêmes. Plusieurs projets revendiquaient à ce point leur compétence technique, leur maîtrise structurelle ou l’ingénierie qu’il ne leur restât guère d’espace pour porter attention à l’environnement, à l’ouvrabilité, ou aux dépenses associées. Ces oppositions ont donné lieu à des interprétations hyper rationalisées et simplifiées de notions telles que la chaleur, la cabane, et les interrelations entre ces concepts. La vaste gamme des approches peut être, dans une certaine mesure, qualifiée par plusieurs grands traits de considérations. D’une part, le recours aux vertus du bois se retrouve dans une proportion importante de projets et à travers une variation de traitements. Un des arrangements suggérait par exemple l’utilisation du bois par l’intermédiaire d’une expérience phénoménologique de bruits et sons créés par le placement stratégique des tranches verticales de bois filtrant le passage du vent. Un projet taillait de fines incisions dans des planches, selon des motifs organiques imitant les lumières des aurores boréales, en une tentative visant à recréer les ondes dansantes sur une plus petite échelle. D’autres constructions à base de bois étaient plus traditionnelles dans leurs interprétations d’une cabane, tout en démontrant une conception à la fois savante et esthétiquement épurée. Si certains projets naviguent entre l’utilisation du design paramétrique destiné à l’appropriation des enfants, d’autres restent dans l’orthogonalité avec une approche équipée pour les regroupements et rassemblements, tandis que d’autres encore ont imaginé la boîte minimaliste qui structure des vues quand ce ne sont pas des formes coniques et curvilignes générant une galerie en bois. Sans parler des références occasionnelles à des mammifères nordiques, à une hutte faite d’un chapeau, ou à un prisme blanc qui tente de se fondre dans le paysage lui-même.

Les trois projets sélectionnés se distinguent radicalement les uns des autres. Les New-Yorkais Kevin Erickson + Allison Warren ont conçu un pavillon de corde, les Norvégiens Tina Soli et Luca Roncoroni, un attrape-vent, et le studio de la République tchèque Mjölk a conçu des oreillers de glace. Les trois lauréats répondent à des visions conceptuellement différentes de la possibilité de mobiliser, par l’entremise de l’art et l’architecture, les différents aspects du climat et l’environnement. Le jury a convenu que les Américains avaient imaginé une proposition inhabituelle qui, tout en restant modeste, offre une forme sculpturale dans laquelle « les choix de tectoniques et de matériaux se trouvent particulièrement bien résolus ». Le pavillon de la corde est, de fait, construit sur une corde de manille étirée comme une peau sur un cadre de bouleau, permettant de petites ouvertures pour les vues et la lumière, et conçu dans les contraintes dimensionnelles de 10 pi x 8 pi x 14 pi. Sur l’ensemble des propositions, cette tentative sobre et contrôlée se révèle comme une version exubérante d’une hutte traditionnelle, dans laquelle les gens viennent mettre leurs patins à glace, sans pour autant chercher une expérience augmentée de l’hiver.

Les concepts des Norvégiens furent, selon les jurés, « hautement graphiques, simples et appropriés pour rivière des prairies balayée par le vent ». Ce projet se présente comme une installation éolienne faite d’une « structure simple (semblable à du mobilier) ». La boîte est un « trou dans le mur » qui capte et canalise le vent pour créer un type de trompe : en supposant que l’emplacement géographique offre justement un accès généreux à des vents violents.

Les Tchèques ont quant à eux produit une machine à faire des bulles. Un véritable exploit technique fait d’un ballonnet en silicone rempli d’air qui se trouve pulvérisé d’eau glacée gelant le ballon, créant par le fait même une bulle de glace dont l’espace vide serait en quelque sorte appropriable. À l’évidence, le jury fut impressionné par ce projet qu’il a qualifié de « bizarre et fascinant !! Le projet réinvente complètement l’utilisation de la palette sur laquelle tous les autres projets sont situés. » L’intérêt est bien sûr l’utilisation de matériaux naturels pour créer des abris qui se fanent naturellement dans le paysage.

Pour des raisons de droit d’auteur, le CCC n’a pas eu accès aux propositions hors concours de l’équipe de Frank Gehry et de l’Université du Manitoba. Si les étudiants ont construit des trous sculptés depuis un grand prisme rectangulaire de mousse offrant des sous-espaces de repos et l’isolement, Gehry et son équipe ont imaginé une hutte de glace, avec des blocs — importés de Montréal — déconstruisant en quelque sorte le concept d’un igloo.

Au final, la thématique de Warming Huts est d’autant plus pertinente qu’elle revisite une typologie de l’architecture propre aux pays nordiques, en y ajoutant un accent sur l’identité architecturale canadienne. Ce sont autant d’opportunités pour des projets à petite échelle qui fournissent un terrain fertile pour une entreprise de recherche et de développement en architecture. On comprend le succès grandissant de cette série depuis sa création en 2009. Si le concours en lui-même ne prévoit pas de nouveaux modèles pour la production de l’art et de l’architecture, il reste une des rares occasions de rappeler l’importance d’une approche diversifiée de l’architecture pour des contextes géographiques et environnementaux symbolisés par la situation de Winnipeg.
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