Ma cabane (internationale) à l’est du Canada
par Adrien Python, publié le 2016-04-19
Du folklore de la petite maison canadienne au concept de la cabane idéale mondiale, ce sont pas moins de 57 variations qui ont été conçues pour l’un des rares concours organisés depuis le Nouveau-Brunswick. Lancé au début de l’année 2014, par l’organisme Community Forests International (CFI) , le concours Blur the lines — Cabin Design Challenge fût ouvert internationalement à tous les architectes, artistes, passionnés de nature et bricoleurs en tout genre sur le thème de la cabane idéale. Seule contraintes : dix-sept mètres carrés sur un site forestier de 235 hectares en bordure de Sussex au Nouveau-Brunswick. Pour CFI, ce concours voulait inaugurer l’établissement d’un campus d’innovation rural.
La cabane est-elle avant tout un abri, par définition indissociable de son environnement, ou se présente-t-elle comme un objet formel, dont les qualités ne se jugent que par sa conception ? Comment s’insère-t-elle dans la forêt afin de devenir le lien entre l’humain et cette dernière ? Enfin, comment retranscrire de manière tangible ces paramètres afin d’en faire un projet réaliste et réalisable tout en rationalisant ces coûts ?
Parmi les projets écartés, plusieurs affichèrent un parti relativement clair évoquant tour à tour : l’osmose avec la nature, l’ingéniosité technique, les préceptes ancestraux, la rationalité, etc. Certaines de ces orientations ont peut-être pris le pas sur d’autres aspects jugés importants. La proposition d’Alessandro Cascone & Luca Preziosa, par exemple, est très orientée sur la composition de la forêt et la mise à contribution des sens. Il en résulte une construction multi étagée à l’apparence complexe dont l’aspect constructif est moins développé. À l’inverse, le projet Wrap it Up de Kyle Reckling & Kevin Jele se révèle un modèle de rationalité, développé selon les dimensions des matériaux standards, mais qui ne nous en apprend finalement peu sur ce que peut être la cabane aujourd’hui en dépit d’un budget et de schémas détaillés, prêts à construire, mais sans rapport à la forêt, telle une cabane en kit à l’implantation libre. Les mêmes remarques s’appliquent à Helios Cabin, de Nizar Neruda où le contexte est cette fois littéralement évacué des représentations graphiques. Certains projets, comme les sphères de Jean C. I. Wang, semblent en adéquation avec un contexte forestier, sans prendre en compte le contexte géographique canadien et ses hivers contraignants.
Le projet de Kyle Schumann & Katie MacDonald, a reçu une mention spéciale pour sa capacité à innover à partir d’un besoin simple et élémentaire : le stockage du bois de cheminée. Le traitement de la cabane repose sur l’interprétation d’un besoin concret qui ordonne une esthétique camouflée, à l’image d’un grand tas de bois. Le besoin et l’usage ont ici contribué à définir la forme.
Acadian Abstraction, de Belle Stone & Jeffrey Sullivan, a remporté le second prix. Ce projet s’est distingué par le soin apporté au site. Les interactions et les liens visuels entre l’occupant et son environnement exacerbés par un grand patio offrant une vue ouverte à l’avant et des fragmentations sur les côtés. Cette inclusion périphérique du contexte se développe verticalement, le ciel et la canopée faisant l’objet de deux ouvertures. Avec ce projet, souligne le jury : « (il est) possible de dormir à la belle étoile, peu importe le temps, où le moment de l’année ; vous vous retrouvez à savourer la nature sans abandonner votre confort ! »
Le projet lauréat, The Whaelghinbran Cabin de Nathan Fisher fut, pour le jury, le seul à véritablement générer une harmonie entre le concept de la cabane et son inscription dans le contexte local. La forêt est traitée comme un partenaire de jeu, avec lequel on interagit de façon en tout point respectueuse. La cabane, modèle de rationalité et d’efficacité constructive — détail et coûts à l’appui — s’implante avec le minimum d’empreinte. Le contact avec le sol est réduit à quatre points d’appui — conçus à l’aide de supports pour caravane — n’affectant ainsi jamais durablement le tapis forestier. Ce système contribue à une lecture nomade de la cabane à l’image des wigwams de l’Est canadien. Ne nécessitant pas de démontage, la construction peut être déplacée sur un traîneau ou une remorque par la force animale, permettant la régénération des sites entre des périodes d’utilisation rythmées par les saisons. Cette relecture des coutumes aborigènes ancestrales se fait au travers d’une pensée constructive moderne, proposant, au dire du jury, des solutions en adéquations avec les ambitions de CFI. Des ouvertures sur les quatre faces de la cabane, une large baie vitrée — que l’utilisateur est invité à diriger au sud — devraient offrir des transitions renforcées par la présence d’un réel espace extérieur conçu pour être utilisé et non comme uniquement transitoire. Il s’agissait au demeurant d’un des rares projets offrant une telle option. Au final, cette cabane lauréate présente une configuration standard, sans véritable excentricité et c’est peut être aussi ce qui a séduit le jury.
Ce concours a reçu de nombreuses propositions intéressantes en particulier sur le plan de la variété. Il reste que si de nombreux concurrents semblent avoir été stimulés par l’envie de développer la cabane comme objet, réalisant une forme de fantasme mêlant souvenirs d’enfance et liberté de composition, le résultat a souvent pris la forme d’un objet déposé, sans réelles interactions envisagées avec le contexte forestier.
Il est important de souligner que le jury — sur un thème aussi générique que la cabane — a quelque peu versé dans un « régionalisme critique ». Les déclarations du jury à l’endroit du gagnant sont explicites et contredisent l’ouverture internationale du concours puisque, comme l’a déclaré le directeur exécutif : « Je suis fier que ce soit un jeune Canadien qui se soit imposé — il s’agissait d’un concours très compétitif, et je pense que M. Fisher s’en est très bien tiré en s’appuyant sur sa connaissance personnelle de notre environnement et de nos traditions pour son projet tout en repoussant l’enveloppe des petits bâtiments respectueux de l’environnement ».
La cabane est-elle avant tout un abri, par définition indissociable de son environnement, ou se présente-t-elle comme un objet formel, dont les qualités ne se jugent que par sa conception ? Comment s’insère-t-elle dans la forêt afin de devenir le lien entre l’humain et cette dernière ? Enfin, comment retranscrire de manière tangible ces paramètres afin d’en faire un projet réaliste et réalisable tout en rationalisant ces coûts ?
Parmi les projets écartés, plusieurs affichèrent un parti relativement clair évoquant tour à tour : l’osmose avec la nature, l’ingéniosité technique, les préceptes ancestraux, la rationalité, etc. Certaines de ces orientations ont peut-être pris le pas sur d’autres aspects jugés importants. La proposition d’Alessandro Cascone & Luca Preziosa, par exemple, est très orientée sur la composition de la forêt et la mise à contribution des sens. Il en résulte une construction multi étagée à l’apparence complexe dont l’aspect constructif est moins développé. À l’inverse, le projet Wrap it Up de Kyle Reckling & Kevin Jele se révèle un modèle de rationalité, développé selon les dimensions des matériaux standards, mais qui ne nous en apprend finalement peu sur ce que peut être la cabane aujourd’hui en dépit d’un budget et de schémas détaillés, prêts à construire, mais sans rapport à la forêt, telle une cabane en kit à l’implantation libre. Les mêmes remarques s’appliquent à Helios Cabin, de Nizar Neruda où le contexte est cette fois littéralement évacué des représentations graphiques. Certains projets, comme les sphères de Jean C. I. Wang, semblent en adéquation avec un contexte forestier, sans prendre en compte le contexte géographique canadien et ses hivers contraignants.
Le projet de Kyle Schumann & Katie MacDonald, a reçu une mention spéciale pour sa capacité à innover à partir d’un besoin simple et élémentaire : le stockage du bois de cheminée. Le traitement de la cabane repose sur l’interprétation d’un besoin concret qui ordonne une esthétique camouflée, à l’image d’un grand tas de bois. Le besoin et l’usage ont ici contribué à définir la forme.
Acadian Abstraction, de Belle Stone & Jeffrey Sullivan, a remporté le second prix. Ce projet s’est distingué par le soin apporté au site. Les interactions et les liens visuels entre l’occupant et son environnement exacerbés par un grand patio offrant une vue ouverte à l’avant et des fragmentations sur les côtés. Cette inclusion périphérique du contexte se développe verticalement, le ciel et la canopée faisant l’objet de deux ouvertures. Avec ce projet, souligne le jury : « (il est) possible de dormir à la belle étoile, peu importe le temps, où le moment de l’année ; vous vous retrouvez à savourer la nature sans abandonner votre confort ! »
Le projet lauréat, The Whaelghinbran Cabin de Nathan Fisher fut, pour le jury, le seul à véritablement générer une harmonie entre le concept de la cabane et son inscription dans le contexte local. La forêt est traitée comme un partenaire de jeu, avec lequel on interagit de façon en tout point respectueuse. La cabane, modèle de rationalité et d’efficacité constructive — détail et coûts à l’appui — s’implante avec le minimum d’empreinte. Le contact avec le sol est réduit à quatre points d’appui — conçus à l’aide de supports pour caravane — n’affectant ainsi jamais durablement le tapis forestier. Ce système contribue à une lecture nomade de la cabane à l’image des wigwams de l’Est canadien. Ne nécessitant pas de démontage, la construction peut être déplacée sur un traîneau ou une remorque par la force animale, permettant la régénération des sites entre des périodes d’utilisation rythmées par les saisons. Cette relecture des coutumes aborigènes ancestrales se fait au travers d’une pensée constructive moderne, proposant, au dire du jury, des solutions en adéquations avec les ambitions de CFI. Des ouvertures sur les quatre faces de la cabane, une large baie vitrée — que l’utilisateur est invité à diriger au sud — devraient offrir des transitions renforcées par la présence d’un réel espace extérieur conçu pour être utilisé et non comme uniquement transitoire. Il s’agissait au demeurant d’un des rares projets offrant une telle option. Au final, cette cabane lauréate présente une configuration standard, sans véritable excentricité et c’est peut être aussi ce qui a séduit le jury.
Ce concours a reçu de nombreuses propositions intéressantes en particulier sur le plan de la variété. Il reste que si de nombreux concurrents semblent avoir été stimulés par l’envie de développer la cabane comme objet, réalisant une forme de fantasme mêlant souvenirs d’enfance et liberté de composition, le résultat a souvent pris la forme d’un objet déposé, sans réelles interactions envisagées avec le contexte forestier.
Il est important de souligner que le jury — sur un thème aussi générique que la cabane — a quelque peu versé dans un « régionalisme critique ». Les déclarations du jury à l’endroit du gagnant sont explicites et contredisent l’ouverture internationale du concours puisque, comme l’a déclaré le directeur exécutif : « Je suis fier que ce soit un jeune Canadien qui se soit imposé — il s’agissait d’un concours très compétitif, et je pense que M. Fisher s’en est très bien tiré en s’appuyant sur sa connaissance personnelle de notre environnement et de nos traditions pour son projet tout en repoussant l’enveloppe des petits bâtiments respectueux de l’environnement ».