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Concours pour l'Expo Osaka 1970 : quand l'identité canadienne n'était pas une affaire de cirque
par Izabel Amaral, publié le 2010-06-01
L’exposition universelle de Shanghai 2010 nous rappelle que ces grands événements font toujours rêver, au présent comme au passé, mais un retour sur l’Expo d’Osaka de 1970, objet d’un grand concours canadien, laisse songeur sur certaines dérives actuelles du recours au talent des architectes dans les arts du... cirque. Depuis la moitié du XIXe siècle, les expositions ont pourtant offert des édifices mémorables, qu’il s’agisse des grands halls abritant plusieurs expositions, du Crystal Palace à Londres à la Galerie des Machines à Paris, ou qu’il s’agisse de pavillons nationaux : le pavillon allemand à Barcelone 1929 de Mies van der Rohe, le pavillon américain à Montréal 1967 de Buckminster Fuller, ou le pavillon thématique Philips à Bruxelles en 1958, ce poème électronique de Le Corbusier et Xenakis.

Lorsqu’il s’agit de pavillons nationaux, l’architecture a pour fonction non seulement d’abriter une exposition, mais également de représenter un pays dans le contexte international. À l’occasion des expositions universelles, les concours d’architecture peuvent être considérés comme un lieu privilégié de discussion sur les valeurs d’une société. Dans un tel contexte, la mission du jury est autant plus difficile que le choix ne relève pas uniquement de questions liées à l’innovation ou à la qualité architecturale, mais qu’elle met en jeu des visées sociopolitiques très larges. Dans de tels cas, certes plus rares, le sujet délicat de la représentation de l’image du pays est prédominant. Aujourd’hui, lorsque le Canada se fait représenter à Shanghai par un pavillon signé Cirque du Soleil, reléguant les architectes au digne rôle de consultants techniques, il est peut-être temps de revenir sur un épisode historique qui n’a pas dû livrer toutes ses leçons : car le projet lauréat d’Arthur Erickson et Geoffrey Massey fut effectivement une réussite à tous les niveaux.

Le chantier de l’Expo 67 à Montréal était encore en cours, lorsque le gouvernement canadien décida de confirmer sa participation à l’exposition qui devait suivre, prévue à Osaka pour 1970 et première du genre en Asie. Avec le thème « progrès et harmonie pour l’humanité », elle devait révéler au monde l’image d’un Japon développé et avant-gardiste, loin des turpitudes et des séquelles de la Seconde Guerre mondiale. Quelques-uns des pays participants à cette exposition ont organisé des concours nationaux d’architecture afin de choisir leurs pavillons nationaux et ce fut en particulier le cas des États-Unis, de la Finlande, du Brésil et du Canada.

Le concours pour le pavillon canadien à Osaka 1970 a réuni 208 architectes, plusieurs desquels étaient aussi auteurs de bâtiments sur le site de l’exposition montréalaise de 1967. Les architectes gagnants, Arthur Erickson et Geoffrey Massey, étaient déjà les concepteurs de trois édifices : le pavillon de l’Homme dans la communauté, son annexe, le pavillon de l’Homme et la santé, et, ne l’oublions, les architectes du pavillon canadien ! Avec le recul historique, nous pouvons dire aujourd’hui que cette élection multiple ne fut pas le résultat d’une coïncidence ou d’une manipulation, mais bien une conséquence directe d’une sensibilité particulière des concepteurs à l’image d’un pays soucieux d’affirmer sa modernité. Le projet du pavillon canadien à Osaka 1970 évoquait la grandeur et la simplicité du territoire canadien, avec ses montagnes, son vaste ciel, ses grandes forêts et son eau abondante, le tout sous la forme — très affirmée et très claire — de quatre volumes recouverts de miroirs, formant un tronc de pyramide avec une cour centrale. Ce projet, chargé de symbolisme et d’effets visuels kaléidoscopiques a séduit les membres du jury et tous les visiteurs de l’Expo; il a fait la couverture de presque tous les catalogues et revues japonaises de l’époque ; il a été le pavillon étranger le plus visité, et a reçu entre autres les prix de l’Institut d’architecture du Japon et le prix Massey. Le Catalogue des Concours Canadiens vous invite, en ce mois propice à la médiatisation des grandes expositions, à découvrir non seulement ce mémorable projet du grand architecte canadien décédé l’an dernier, mais également les projets de Melvin Charney, Roger D’Astous et du groupe Affleck, Desbarats, Dimakopoulos, Lebensold, Sise et d’autres noms devenus depuis célèbres d’une côte à l’autre du territoire canadien.

Coïncidence ou non, un peu plus d’une dizaine d’années après l’exposition d’Osaka, Arthur Erickson a élaboré le projet pour l’ambassade canadienne à Washington. Cela nous rappelle qu’entre l’architecture événementielle d’une exposition universelle et celle d’une architecture permanente se jouent des questions de représentation diplomatique et culturelle, aussi de créativité et imagination ; mais pas toujours de transparence des procédures et des jugements. L’enthousiasme avec lequel le pays a vécu les expositions universelles de Montréal 1967 et Vancouver 1986 mérite encore de revisiter un concours datant déjà de quarante ans : l’architecture étant toujours un défi à relever.
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