Au-delà du « branding » : concours d'architecture et identité urbaine
par Denis Bilodeau, publié le 2012-11-03
Le concours d’idée Poto:Type lancé en 2007 invitait à une réflexion critique et un travail exploratoire sur la typologie de l’architecture résidentielle à haute densité du centre-ville de Vancouver. Poto:Type réfère à « podium/tower type », un modèle composé d’une haute tour étroite, conçue pour profiter au mieux des vues, et installée sur un podium d’en moyenne quatre étages de haut, pour répondre à l’échelle de la rue. À l’instar des gratte-ciel de Manhattan ou de ceux de Hong Kong, cette typologie d’édifices en hauteur qui s’est développée à partir des années 1990 en est venue à caractériser l’identité métropolitaine de Vancouver.
Dans l’énoncé du concours, on explique par contre, que la prolifération uniforme de ce type monofonctionnel sur un territoire de plus en plus vaste, en réponse à la pression immobilière a graduellement engendré une banalisation du paysage et contribué à affaiblir l’identité des différents quartiers de la ville, avec des conséquences environnementales, socio-économiques et culturelles notables. L’exploration de solutions alternatives à la typologie de la « podium/tower » devait donc être envisagée d’un point de vue urbain, en tenant compte des différents enjeux sous-jacents à la construction d’une ville durable, en particulier le respect de la diversité.
Organisé par un groupe de stagiaires en architecture et subventionné par plusieurs organismes culturels et professionnels engagés dans la promotion de la qualité architecturale, tels que l’Architectural Fondation of British Columbia, l’Architectural Institute of British Columbia, l’Institut royal d’architecture du Canada, le Conseil des arts du Canada, le Centre Canadien d’Architecture et enfin l’École d’architecture et d’architecture de paysage de l’Université de la Colombie-Britannique, ce concours arrive à un moment critique dans l’évolution des politiques de planification urbaine de la ville de Vancouver. En 2006, Vancouver est l’hôte du Forum mondial des villes, organisé sous l’égide des Nations Unies. Il s’agit d’un évènement symbolique, car on y célèbre en même temps le trentième anniversaire du premier Forum mondial des villes tenu en 1976 à Vancouver même, où pour la première fois, la ville avait été reconnue pour ses positions exemplaires en matière environnementale. Pour l’occasion, le maire nouvellement élu en 2005, Sam Sullivan, se joint à un groupe d’environnementalistes et d’activistes communautaires afin d’annoncer le lancement du programme EcoDensity qui réitère pour Vancouver, la valeur du principe de densification comme base du développement durable dans le cadre d’une approche respectant la diversité des environnements.
Brent Toderian, le nouveau directeur de la planification (Director of Planning) de la ville, responsable du programme EcoDensity, fait partie du jury du concours Poto:Type. Avec lui siègent plusieurs importants acteurs professionnels et institutionnels engagés, sensibles à la problématique de la relation entre modernité architecturale et spécificité culturelle au Canada. On y retrouve les architectes James Cheng, Patricia Patkau et George Yu, de même que Rhodri Windsor-Liscombe, historien de l’architecture et directeur du département d’histoire de l’art de l’Université de Colombie-Britannique, spécialiste reconnu de l’architecture moderne de Vancouver. L’architecte Scott Kemp agit à titre de conseiller professionnel.
La présence de James Cheng sur le jury est particulièrement significative. Celui -ci est en effet considéré comme le principal auteur de la typologie « podium/tower » et l’un des grands responsables de la qualité particulière du paysage urbain de Vancouver tant par l’ampleur de sa pratique que par l’impact du « poto type » sur la règlementation urbaine. Comme le souligne le critique Trevor Boddy, James Cheng est aussi l’un des premiers à avoir encouragé le développement d’alternatives visant à renouveler, enrichir et diversifier l’architecture résidentielle de Vancouver.
Quarante-cinq propositions provenant de six pays différents ont été soumises au concours Poto:Type et trois ont été primées ex aequo. Deux mentions honorables ont aussi été attribuées. Certains thèmes ressortent de façon récurrente des différentes propositions, dont avant tout l’hybridation soit, l’augmentation du niveau de mixité pro- grammatique des bâtiments combinant espaces résidentiels, de bureau, de service, de loisir et de commerce. De nombreuses propositions mettent aussi de l’avant la flexibilité des espaces pour les rendre capables de s’adapter aux changements d’occupations. Enfin, plusieurs proposent une architecture poreuse favorisant les échanges entre les bâtiments et leur environnement.
Au niveau typologique le concours déploie un catalogue de solutions que l’on peut pour la plupart rapprocher des différents courants d’expérimentation contemporains dans le domaine de l’architecture des édifices en hauteur.
Parmi les lauréats, mentionnons d’abord le Folding Scraper des architectes italiens Stefania Papitto et Gianluca Evels qui opère une fusion spatiale et formelle entre l’architecture du podium et celle de la tour reliée entre eux par une surface continue qui se plie et se replie. La stratégie d’organisation spatiale fait appel à l’utilisation de container boxes distribuées à l’intérieur d’une structure de colonnes et de dalles en porte-à-faux laissant une grande quantité d’espaces interstitiels pour des activités publiques.
Dans le même esprit, une équipe de Toronto a imaginé la construction d’un édifice en hauteur sous forme de barre verticale, résultat direct d’une projection à 90 degrés, de l’architecture d’un podium incorporant plusieurs îlots.
Le projet OTO, de la troisième équipe lauréate provenant de Cleveland Heights en Ohio, questionne plus directement la typologie de la tour. OTO (Open Tower) offre une alternative à POTO (Podium Tower) et à COTO (Courtyard Tower). II s’agit d’une tour ouverte, perforée, coupée et soulevée de façon à permettre une relation fluide avec l’environnement, les activités urbaines, l’air et la lumière. Le podium, qui comprend des espaces publics et des jardins, ondule et glisse sous la tour.
Les projets retenus pour des mentions sont issus de Vancouver. Ces derniers offrent des alternatives typologiques plus radicales. Stackhouse de Tony Wai et Christa Min est une réinterprétation du theorem paru dans le magazine Life en 1909 et reproduit par Rem Koolhaas dans Delirious New York. Il s’agit d’une tour constituée d’une infrastructure ouverte de surfaces ou « terrains » génériques superposés permettant l’accumulation graduelle de multiples projets individuels.
Enfin, The Lost Typology : Rebuilding Diversity in the Shadow of Big Development exprime peut-être la critique la plus ancrée de l’hégémonie du « poto type », offrant une typologie totalement différente de bâtiments à usages mixtes opérant de façon plus locale à l’échelle de la parcelle.
Parmi les autres soumissions, on retrouvera par exemple des Inverted Towers, Green towers, Twisted towers et Bridge towers. Des projets plus étranges sont aussi du nombre ; Aerial Vancouver, une mégastructure aérienne conçue dans l’esprit des utopies technologique des an- nées 1970, et Viral City, un système organique de prolifération spatial, horizontal et vertical, capable de « contaminer » la ville entière. D’autre s’inscrivent dans la nouvelle vague du landscape urbanisme. Le projet Vancouverism, Changing the Rules of the Game suggère de transformer le cadre réglementaire qui a régi la construction à Vancouver depuis les dernières décennies, pour mettre les forces du marché au service d’une réinvention écologique de l’identité urbaine de la ville, dans cette perspective le «poto type» ou même tout effort de normalisation typologique pose problème. Bottom/up planning process, networking urbanism, local opportunity, genius loci, diversity sont les nouveaux mots d’ordre.
Très peu de concours d’architecture au Canada ont permis d’aborder la conception de projets immobiliers de grande envergure. Ceux-ci relèvent généralement de l’initiative et du financement de promoteurs privés peu intéressés à sou- mettre leur projet au débat public. Pourtant la conception de tours résidentielles, d’édifices à bureau ou de complexes commerciaux a souvent un impact beaucoup plus important sur la ville que la réalisation d’un musée, d’un théâtre ou même d’un hôtel de ville. Ce ne sont pas des objets d’exception, mais plutôt des objets types dont la répétition et prolifération soulève des questions cruciales par rapport à la qualité de l’environnement et le bien de la collectivité. L’originalité du concours Poto:Type réside justement dans le fait d’avoir su profiter d’un contexte politique favorable pour attirer l’attention sur ces enjeux.
Dans l’énoncé du concours, on explique par contre, que la prolifération uniforme de ce type monofonctionnel sur un territoire de plus en plus vaste, en réponse à la pression immobilière a graduellement engendré une banalisation du paysage et contribué à affaiblir l’identité des différents quartiers de la ville, avec des conséquences environnementales, socio-économiques et culturelles notables. L’exploration de solutions alternatives à la typologie de la « podium/tower » devait donc être envisagée d’un point de vue urbain, en tenant compte des différents enjeux sous-jacents à la construction d’une ville durable, en particulier le respect de la diversité.
Organisé par un groupe de stagiaires en architecture et subventionné par plusieurs organismes culturels et professionnels engagés dans la promotion de la qualité architecturale, tels que l’Architectural Fondation of British Columbia, l’Architectural Institute of British Columbia, l’Institut royal d’architecture du Canada, le Conseil des arts du Canada, le Centre Canadien d’Architecture et enfin l’École d’architecture et d’architecture de paysage de l’Université de la Colombie-Britannique, ce concours arrive à un moment critique dans l’évolution des politiques de planification urbaine de la ville de Vancouver. En 2006, Vancouver est l’hôte du Forum mondial des villes, organisé sous l’égide des Nations Unies. Il s’agit d’un évènement symbolique, car on y célèbre en même temps le trentième anniversaire du premier Forum mondial des villes tenu en 1976 à Vancouver même, où pour la première fois, la ville avait été reconnue pour ses positions exemplaires en matière environnementale. Pour l’occasion, le maire nouvellement élu en 2005, Sam Sullivan, se joint à un groupe d’environnementalistes et d’activistes communautaires afin d’annoncer le lancement du programme EcoDensity qui réitère pour Vancouver, la valeur du principe de densification comme base du développement durable dans le cadre d’une approche respectant la diversité des environnements.
Brent Toderian, le nouveau directeur de la planification (Director of Planning) de la ville, responsable du programme EcoDensity, fait partie du jury du concours Poto:Type. Avec lui siègent plusieurs importants acteurs professionnels et institutionnels engagés, sensibles à la problématique de la relation entre modernité architecturale et spécificité culturelle au Canada. On y retrouve les architectes James Cheng, Patricia Patkau et George Yu, de même que Rhodri Windsor-Liscombe, historien de l’architecture et directeur du département d’histoire de l’art de l’Université de Colombie-Britannique, spécialiste reconnu de l’architecture moderne de Vancouver. L’architecte Scott Kemp agit à titre de conseiller professionnel.
La présence de James Cheng sur le jury est particulièrement significative. Celui -ci est en effet considéré comme le principal auteur de la typologie « podium/tower » et l’un des grands responsables de la qualité particulière du paysage urbain de Vancouver tant par l’ampleur de sa pratique que par l’impact du « poto type » sur la règlementation urbaine. Comme le souligne le critique Trevor Boddy, James Cheng est aussi l’un des premiers à avoir encouragé le développement d’alternatives visant à renouveler, enrichir et diversifier l’architecture résidentielle de Vancouver.
Quarante-cinq propositions provenant de six pays différents ont été soumises au concours Poto:Type et trois ont été primées ex aequo. Deux mentions honorables ont aussi été attribuées. Certains thèmes ressortent de façon récurrente des différentes propositions, dont avant tout l’hybridation soit, l’augmentation du niveau de mixité pro- grammatique des bâtiments combinant espaces résidentiels, de bureau, de service, de loisir et de commerce. De nombreuses propositions mettent aussi de l’avant la flexibilité des espaces pour les rendre capables de s’adapter aux changements d’occupations. Enfin, plusieurs proposent une architecture poreuse favorisant les échanges entre les bâtiments et leur environnement.
Au niveau typologique le concours déploie un catalogue de solutions que l’on peut pour la plupart rapprocher des différents courants d’expérimentation contemporains dans le domaine de l’architecture des édifices en hauteur.
Parmi les lauréats, mentionnons d’abord le Folding Scraper des architectes italiens Stefania Papitto et Gianluca Evels qui opère une fusion spatiale et formelle entre l’architecture du podium et celle de la tour reliée entre eux par une surface continue qui se plie et se replie. La stratégie d’organisation spatiale fait appel à l’utilisation de container boxes distribuées à l’intérieur d’une structure de colonnes et de dalles en porte-à-faux laissant une grande quantité d’espaces interstitiels pour des activités publiques.
Dans le même esprit, une équipe de Toronto a imaginé la construction d’un édifice en hauteur sous forme de barre verticale, résultat direct d’une projection à 90 degrés, de l’architecture d’un podium incorporant plusieurs îlots.
Le projet OTO, de la troisième équipe lauréate provenant de Cleveland Heights en Ohio, questionne plus directement la typologie de la tour. OTO (Open Tower) offre une alternative à POTO (Podium Tower) et à COTO (Courtyard Tower). II s’agit d’une tour ouverte, perforée, coupée et soulevée de façon à permettre une relation fluide avec l’environnement, les activités urbaines, l’air et la lumière. Le podium, qui comprend des espaces publics et des jardins, ondule et glisse sous la tour.
Les projets retenus pour des mentions sont issus de Vancouver. Ces derniers offrent des alternatives typologiques plus radicales. Stackhouse de Tony Wai et Christa Min est une réinterprétation du theorem paru dans le magazine Life en 1909 et reproduit par Rem Koolhaas dans Delirious New York. Il s’agit d’une tour constituée d’une infrastructure ouverte de surfaces ou « terrains » génériques superposés permettant l’accumulation graduelle de multiples projets individuels.
Enfin, The Lost Typology : Rebuilding Diversity in the Shadow of Big Development exprime peut-être la critique la plus ancrée de l’hégémonie du « poto type », offrant une typologie totalement différente de bâtiments à usages mixtes opérant de façon plus locale à l’échelle de la parcelle.
Parmi les autres soumissions, on retrouvera par exemple des Inverted Towers, Green towers, Twisted towers et Bridge towers. Des projets plus étranges sont aussi du nombre ; Aerial Vancouver, une mégastructure aérienne conçue dans l’esprit des utopies technologique des an- nées 1970, et Viral City, un système organique de prolifération spatial, horizontal et vertical, capable de « contaminer » la ville entière. D’autre s’inscrivent dans la nouvelle vague du landscape urbanisme. Le projet Vancouverism, Changing the Rules of the Game suggère de transformer le cadre réglementaire qui a régi la construction à Vancouver depuis les dernières décennies, pour mettre les forces du marché au service d’une réinvention écologique de l’identité urbaine de la ville, dans cette perspective le «poto type» ou même tout effort de normalisation typologique pose problème. Bottom/up planning process, networking urbanism, local opportunity, genius loci, diversity sont les nouveaux mots d’ordre.
Très peu de concours d’architecture au Canada ont permis d’aborder la conception de projets immobiliers de grande envergure. Ceux-ci relèvent généralement de l’initiative et du financement de promoteurs privés peu intéressés à sou- mettre leur projet au débat public. Pourtant la conception de tours résidentielles, d’édifices à bureau ou de complexes commerciaux a souvent un impact beaucoup plus important sur la ville que la réalisation d’un musée, d’un théâtre ou même d’un hôtel de ville. Ce ne sont pas des objets d’exception, mais plutôt des objets types dont la répétition et prolifération soulève des questions cruciales par rapport à la qualité de l’environnement et le bien de la collectivité. L’originalité du concours Poto:Type réside justement dans le fait d’avoir su profiter d’un contexte politique favorable pour attirer l’attention sur ces enjeux.