Leçons de paysage par des étudiants
par Jean-Pierre Chupin, publié le 2013-03-22
Organisé, en 2011, comme une initiative étudiante en l’honneur de la Professeure Margery Winkler, le concours resTOre s’adressait à la problématique des espaces verts sous-utilisés du grand Toronto. Il ne s’agissait pas d’un énième concours étudiant, mais d’un triple acte de générosité, de créativité et de pédagogie. Le site choisi pour l’occasion, à la sortie Bay Street/York Street sur l’autoroute Gardiner, a donné lieu à trois projets primés et à deux mentions, autant de leçons d’architecture du paysage offertes par des étudiants. Rien de banal !
Ce sont des étudiants de la bouillonnante Ryerson University qui ont su convaincre Ken Greenberg, Pat Hanson et Janet Rosenberg de participer au jury du concours resTOre en mai 2011. Ils voulaient rendre hommage à une grande pédagogue, par un exercice de pédagogie, en traitant de la problématique des sites ingrats et complexes, comme il en existe des dizaines dans toutes les villes nord-américaines. En l’occurrence, une friche captive d’une rampe d’accès autoroutier à Toronto. Les projets primés ou mentionnés ont répondu par des mixtes d’architecture, d’urbanisme et de paysage. Nous y verrons autant de leçons de paysage.
Leçon nº 1 : le paysage doit être réaliste. Le projet Rahim, lauréat, propose de plisser le terrain au centre de la rampe et d’y dissimuler un marché public. La forme se courbe, reste encore un peu maladroite, mais elle a su séduire le jury par son principe de réalité : programme réalisable, matériaux recyclés et viabilité de l’aménagement. Véritable leçon de réalisme là où bien des concurrents auront joué la carte des utopies urbaines. Qui peut être contre les marchés publics ? Les volutes de la toiture évoquent à la fois une protection et une topographie.
Leçon nº 2 : le paysage doit être sophistiqué. Le projet Ghantous, bon deuxième, affichera par contre une audace à la fois esthétique et critique, que l’on ne trouve guère dans le projet lauréat. En concevant une « place variable », le projet veut redéfinir le paysage comme une équation entre l’infrastructure, l’écologie et l’espace public. Le jury a probablement longuement hésité entre la leçon de réalisme et la leçon théorique, d’autant qu’il a clairement reconnu la force de l’esthétique technologique de cet « alpha ville » en mouvement. Dans cette proposition, le paysage est autant médiatique et minéral qu’urbain et végétal.
Leçon nº 3 : le paysage est une question de temps. Le troisième projet primé, de Karl van Es, reprend le vieux thème de l’incubateur urbain ou social. Il démontre une très bonne maîtrise des outils et principes du paysagiste contemporain et plus encore une grande maîtrise des outils de représentation de l’architecte du paysage. S’il propose de sculpter le paysage, comme l’ont reconnu les membres du jury, nous y verrons surtout une attention particulière au déploiement du projet dans le temps. D’aucuns trouveront qu’il déploie un peu trop de verdure pour un site autoroutier, qu’il ne dit pas comment sera traitée la problématique de la neige en hiver, ou que les formes du mobilier correspondent à celles que l’on trouve en ce moment dans toutes les bonnes revues spécialisées, mais disons qu’il a su illustrer cette particularité temporelle du projet de paysage.
En conclusion de ce survol, il nous faut encore évoquer le projet mentionné de Gugliotta, Chown et Walker, puisqu’il nous renvoie à la naïveté potentielle de ce genre d’exercice en traitant du paysage dans le cadre d’une « poésie écologique ». Les planches sont aussi élégantes que forformalistes, ce qui n’est pas forcément un défaut, sauf quand on réalise à quel point ce genre de site peut être ingrat. On notera d’ailleurs à quel point les concurrents ont fortement lissé et gommé les conditions du site en arrière-plan de leur proposition, comme pour le recréer en un lieu idéal.
Leçon nº 4 (du prof. aux étudiants cette fois) : le paysage n’est pas toujours un rêve !
Il reste que la qualité de ce concours étudiant, par des étudiants, peut donner quelques leçons de professionnalisme aux organisateurs canadiens en mal de concours d’idées. Il est toutefois dommage qu’ils n’aient pas ouvert le concours à l’international, puisque près de 50 % des concours internationaux canadiens s’adressent à des questions d’urbanisme et de paysage. Et tant qu’à livrer quelques statistiques produites à la Chaire de recherche sur les concours et les pratiques contemporaines depuis 2012, signalons finalement que 30,9 % des concours internationaux au Canada concernent des concours d’idées, tandis que le ratio monte à 36,8 % en Ontario et 50 % au Québec.
Ce sont des étudiants de la bouillonnante Ryerson University qui ont su convaincre Ken Greenberg, Pat Hanson et Janet Rosenberg de participer au jury du concours resTOre en mai 2011. Ils voulaient rendre hommage à une grande pédagogue, par un exercice de pédagogie, en traitant de la problématique des sites ingrats et complexes, comme il en existe des dizaines dans toutes les villes nord-américaines. En l’occurrence, une friche captive d’une rampe d’accès autoroutier à Toronto. Les projets primés ou mentionnés ont répondu par des mixtes d’architecture, d’urbanisme et de paysage. Nous y verrons autant de leçons de paysage.
Leçon nº 1 : le paysage doit être réaliste. Le projet Rahim, lauréat, propose de plisser le terrain au centre de la rampe et d’y dissimuler un marché public. La forme se courbe, reste encore un peu maladroite, mais elle a su séduire le jury par son principe de réalité : programme réalisable, matériaux recyclés et viabilité de l’aménagement. Véritable leçon de réalisme là où bien des concurrents auront joué la carte des utopies urbaines. Qui peut être contre les marchés publics ? Les volutes de la toiture évoquent à la fois une protection et une topographie.
Leçon nº 2 : le paysage doit être sophistiqué. Le projet Ghantous, bon deuxième, affichera par contre une audace à la fois esthétique et critique, que l’on ne trouve guère dans le projet lauréat. En concevant une « place variable », le projet veut redéfinir le paysage comme une équation entre l’infrastructure, l’écologie et l’espace public. Le jury a probablement longuement hésité entre la leçon de réalisme et la leçon théorique, d’autant qu’il a clairement reconnu la force de l’esthétique technologique de cet « alpha ville » en mouvement. Dans cette proposition, le paysage est autant médiatique et minéral qu’urbain et végétal.
Leçon nº 3 : le paysage est une question de temps. Le troisième projet primé, de Karl van Es, reprend le vieux thème de l’incubateur urbain ou social. Il démontre une très bonne maîtrise des outils et principes du paysagiste contemporain et plus encore une grande maîtrise des outils de représentation de l’architecte du paysage. S’il propose de sculpter le paysage, comme l’ont reconnu les membres du jury, nous y verrons surtout une attention particulière au déploiement du projet dans le temps. D’aucuns trouveront qu’il déploie un peu trop de verdure pour un site autoroutier, qu’il ne dit pas comment sera traitée la problématique de la neige en hiver, ou que les formes du mobilier correspondent à celles que l’on trouve en ce moment dans toutes les bonnes revues spécialisées, mais disons qu’il a su illustrer cette particularité temporelle du projet de paysage.
En conclusion de ce survol, il nous faut encore évoquer le projet mentionné de Gugliotta, Chown et Walker, puisqu’il nous renvoie à la naïveté potentielle de ce genre d’exercice en traitant du paysage dans le cadre d’une « poésie écologique ». Les planches sont aussi élégantes que forformalistes, ce qui n’est pas forcément un défaut, sauf quand on réalise à quel point ce genre de site peut être ingrat. On notera d’ailleurs à quel point les concurrents ont fortement lissé et gommé les conditions du site en arrière-plan de leur proposition, comme pour le recréer en un lieu idéal.
Leçon nº 4 (du prof. aux étudiants cette fois) : le paysage n’est pas toujours un rêve !
Il reste que la qualité de ce concours étudiant, par des étudiants, peut donner quelques leçons de professionnalisme aux organisateurs canadiens en mal de concours d’idées. Il est toutefois dommage qu’ils n’aient pas ouvert le concours à l’international, puisque près de 50 % des concours internationaux canadiens s’adressent à des questions d’urbanisme et de paysage. Et tant qu’à livrer quelques statistiques produites à la Chaire de recherche sur les concours et les pratiques contemporaines depuis 2012, signalons finalement que 30,9 % des concours internationaux au Canada concernent des concours d’idées, tandis que le ratio monte à 36,8 % en Ontario et 50 % au Québec.