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OMA à Québec : Office for MNBAQ Architecture
par Jean-Pierre Chupin, publié le 2010-04-01
Il faut y voir un signe de maturité culturelle! En choisissant d’ouvrir la conception d’un des plus prestigieux édifices du Québec à l’international, en permettant aux architectes québécois de se mesurer, chez eux, aux meilleures équipes mondiales, selon un processus, en trois étapes, aussi équilibré que rigoureux, le Musée national des beaux-arts, outre la sélection unanime d’une réponse à une problématique difficile, inscrit enfin le Québec dans la ligue majeure des concours internationaux.

Un rapide survol historique des 50 dernières années permet de réaliser que le monde de l’architecture n’a pas toujours été aussi ouvert, qu’on le pense parfois, dans la belle province. À l’automne 2013, ou même à l’hiver 2014, quand le projet de nouveau pavillon aura été construit par l’équipe lauréate regroupant en consortium la grande agence hollandaise OMA (sous la direction de Rem Koolhaas) et le grand bureau québécois Provencher Roy et associés, les historiens de l’architecture pourront dire — et c’est en soi surprenant — que ce sera la première fois dans l’histoire du Québec qu’une équipe étrangère aura été autorisée à construire ici au terme d’un concours.
Que l’on me comprenne bien. Il y eut bien d’autres concours et bien d’autres architectes étrangers à sévir au Québec. Mais en consultant les données actuelles du CCC, nous n’avons trouvé que de rares lauréats étrangers et jamais de projets construits. Attention, on ne parle pas des avatars du stade olympique, du maire visionnaire et du mandarin français, car le stade fut avant tout une commande princière. On ne comparera pas non plus le concours du MNBAQ avec l’extraordinaire concours pour l’Hôtel de Ville de Toronto en 1958, qui a rassemblé plus de 520 participants du monde entier — chiffre effrayant qui ébranle toute procédure de jugement équitable — car ce concours a surtout permis aux architectes québécois de se mesurer avec leurs homologues canadiens. Il y eut bien quelques grands concours dans les années 1980, pour des musées en particulier (Musée national de la civilisation en 1980 et Musée d’art contemporain en 1983), mais qu’il s’agisse de 5 ou de 101 concurrents, ils venaient exclusivement du Québec. On ne parlera pas non plus des concours d’idées, dont on accepta qu’ils s’ouvrent à l’international, essentiellement parce qu’il ne s’agissait que... d’idées. Une première brèche fut ouverte en 1990, avec le concours pour la Place Jacques-Cartier, qui regroupa 8 équipes internationales et fut remporté par un architecte québécois prometteur, Jacques Rousseau.

Les concours culturels des années 1990, souvent d’échelle modeste, furent systématiquement restreints aux praticiens du Québec, mais ils eurent une fonction très importante. L’exposition montée dans le cadre de la recherche du professeur Denis Bilodeau sur la période 1990-2005 a démontré l’impact considérable que tous ces concours de musées, de bibliothèques, de centres culturels, etc. ont eu cette fois pour la reconnaissance d’un imaginaire territorial à l’échelle du Québec. On comprend d’ailleurs difficilement pourquoi les concours continuent de susciter la méfiance de la profession, quand on mesure leur pouvoir éducatif sur les décideurs et les donneurs d’ouvrage, comme nombre d’entre eux le reconnaissent a posteriori. Cette politique culturelle visait à stimuler l’architecture québécoise et ce fut une réussite.

Ce n’est qu’au tournant du siècle, en 2000 exactement, que l’architecture québécoise accepte de nouveau de se mesurer à l’international avec le concours de la Grande Bibliothèque du Québec. Le résultat fut relativement concluant, la collaboration entre les lauréats canadiens et québécois fut, dit-on, parfois houleuse, et le verdict du jury a donné lieu à de nombreuses spéculations alimentées par le fait que le gouvernement n’a toujours pas diffusé le rapport du jury : plus de 10 ans après le verdict. Si ce concours ne fut pas des plus transparents, l’édifice ne cesse de démontrer sa pertinence auprès des utilisateurs.

Reste donc, comme seul précédent de concours remporté par des architectes étrangers, celui pour le Complexe culturel et administratif (OSM) en 2002. Rappelons d’emblée que le programme culturel était en fait littéralement phagocyté par les surfaces allouées aux bureaux, qu’il donna lieu pourtant à un grand concours en deux étapes, dont la première phase totalement ouverte rassembla plus d’une centaine de projets du monde entier, dont la deuxième phase mettait sur un pied d’égalité 5 équipes mixtes dont au moins deux entièrement québécoises, et dont le lauréat fut à la fois hollandais et québécois (consortium De Architekten, Aedifica et TPL et associés). Un changement de gouvernement a précipité l’annulation de la commande, lequel gouvernement n’a jamais autorisé la diffusion du rap- port du jury : recette parfaite pour discréditer le processus (sans doute au profit des PPP), recette parfaite pour la frustration des professionnels (un concours avorté n’est bon pour personne) et recette parfaite pour donner le champ libre aux plumes journalistiques toujours promptes à réduire la complexité d’un projet d’architecture à quelques métaphores caricaturales, tant il est aisé de moquer la « grosse boîte » (puisque les 100 000 m2 du programme tenaient difficilement dans une petite boîte, faut-il le préciser).

On comprendra donc un peu mieux l’enthousiasme des architectes (jeunes et moins jeunes) soucieux de la reconnaissance internationale de leur discipline, soucieux de qualité et d’excellence, mais également la surprise des critiques et des historiens qui réalisent aujourd’hui qu’avec le résultat annoncé par la direction du Musée national des beaux-arts du Québec, et si tout se passe comme prévu, l’onde de choc et le rayonnement devraient avoir des effets exemplaires. L’histoire dira si c’est effectivement le premier concours dans lequel la recherche du meilleur projet prime sur les autres considérations. Le fait que ce soit une équipe étrangère qui mène la conception d’un projet national n’est pas à lire comme un échec de l’architecture québécoise. Confirmant la recherche de l’excellence, on ne pourra y voir que le signe encourageant de sa maturité culturelle. On reportera à d’autres occasions les commentaires proprement architecturaux sur les projets présentés, car il importe ici de souligner un dernier aspect de ce grand évènement. C’est en effet la première fois qu’un organisateur de concours pour un édifice public s’assure de la diffusion de tous les projets immédiatement après l’annonce du résultat dans un souci évident de transparence. En souhaitant que le Catalogue des Concours Canadiens serve de plateforme de diffusion auprès du public le plus large, ici et à l’échelle internationale, la direction du Musée national des beaux-arts ne fait pas que reconnaître la mission de diffusion de l’architecture contemporaine que les chercheurs du LEAP se sont donnée, elle érige ce concours au rang d’évènement exemplaire.
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