Durables bibliothèques
Dans son célèbre manifeste de 1995,
City of Bits, William J. Mitchell avait annoncé la fin des bibliothèques de papier et de brique, au profit des bibliothèques numériques en ligne. L’agrandissement de la bibliothèque Félix-Leclerc à Québec, modeste par la taille, mais dynamique et très achalandée, donne tort, une fois de plus, à cette prédiction cyber évangéliste.
Une fois de plus, car une des caractéristiques majeures de l’architecture contemporaine de ces dernières années est certainement le soin apporté par les architectes à la réécriture de ces programmes et de ces espaces que l’on croyait définitivement formulés. Mais une bibliothèque ne se réduit ni à une boîte de livre, ni à un salon de lecture, encore moins à un comptoir d’emprunt. Une bibliothèque publique est d’abord et avant tout un lieu « public », comme en témoigne le succès envahissant de la Grande Bibliothèque du Québec.
Si l’architecture contribue à cet engouement, la réussite doit aussi être partagée avec les bibliothécaires qui ont su renouveler leurs pratiques et avec les décideurs politiques qui tablent encore sur l’épanouissement intellectuel des citoyens. Mais rien n’est jamais définitivement gagné.
S’il est loin le temps où les rois d’Europe s’inquiétaient du succès de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert et où le Vatican décidait de mettre à l’index la diffusion du savoir et la liberté des idées, l’emphase mise aujourd’hui sur la rentabilité économique des lieux du savoir et de la culture cache d’autres formes de gouvernance et de censure. Il va certainement se trouver quelqu’un bientôt pour demander que l’on compare le coût d’une bibliothèque et celui d’une base de données d’ouvrages numérisés, pour s’appliquer à donner raison à la prédiction de W. J. Mitchell.
Dans un même ordre d’idées, notons tout d’abord que les finalistes du concours pour l’agrandissement de la bibliothèque Montarville-Boucher-de la Bruère sont connus depuis le 28 novembre 2007. Il s’agit de : les Architectes Faucher Aubertin Brodeur Gauthier, Brière, Gilbert + Associés, architectes (FABG) et de Manon Asselin architecte (TAG).
Le concours pour l’agrandissement de la Bibliothèque Félix-Leclerc que nous présentons dans cette mise à jour du CCC fut quant à lui organisé en 2006, sous la supervision de Jacques White, mais le besoin s’en faisait déjà sentir en 1998, soit dix ans après sa construction qui date du milieu des années 1980. Le programme concernait certes un agrandissement, mais s’adressait aussi à la question du développement durable. Le projet de l’architecte Anne Carrier, fort d’une modernité aussi élégante que conventionnelle, a su convaincre le jury. Sa forme prolonge et rééquilibre l’organisation de l’édifice existant sans le gommer. Le projet de l’équipe Big City jouait la carte de la « mise au vert », insistait sur l’environnement naturel et du parc, tout en réunifiant la bibliothèque et son extension dans une nouvelle image. Le projet de Boutros et Pratte forçait, pour ainsi dire, l’insularité de l’édifice et proposait d’en faire un point de ralliement et de convergence. Le quatrième projet, celui de Croft Pelletier architectes, tentait une nouvelle morphologie, à la fois enveloppante pour la bibliothèque d’origine et d’une matérialité distincte par son usage du bardage de bois. Après coup, on constate que les différences entre ces quatre projets sont assez nettes, mais que tous insistent sur l’importance de l’accueil du public, de la rencontre des individualités en un même lieu.
La publication de ce concours sera notre dernière proposition pour 2007. Elle coïncide avec un évènement que nous jugeons très important pour le rayonnement de l’architecture canadienne contemporaine. En effet, la belle exposition analytique organisée pour le LEAP par Denis Bilodeau avec la collaboration du Centre de Design de L’UQAM sera présentée au Pavillon de l’Arsenal à Paris pendant tout le mois de décembre. Les projets culturels issus des concours lancés entre 1991 et 2005 seront alors soumis à l’esprit critique du public parisien et la réflexion sur la cohérence de cette nouvelle territorialité culturelle suscitée par ce grand rassemblement de projets devrait assurément faire l’objet d’un intérêt marqué dans un pays où il s’organise annuellement plus de 1000 concours.
Pour 2008, nous réservons deux surprises aux internautes intéressés par les travaux et activités du LEAP. En janvier, nous devrions enfin pouvoir mettre en ligne le site de la base de données documentaire que nous avons conçue pour l’organisation Europan France (une des plus importantes institutions de concours), tandis qu’en mars, dans le cadre d’une collaboration entre plusieurs écoles canadiennes, nous lancerons un grand forum sur la place des conceptions environnementales dans l’éducation architecturale : une autre de ces durables bibliothèques !
En septembre 2006, la ville de Québec annonce la tenue d'un concours d'architecture pour l'agrandissement de la bibliothèque Félix-Leclerc dans le district de Val-Bélair. Le concours s'adresse exclusivement aux membres en règle de l'Ordre des architectes du Québec. Il se tient en une étape, précédée d'une procédure de sélection de quatre finalistes sur dossier de candidature.
« La bibliothèque entend jouer un rôle de premier plan en tant qu'institution culturelle publique, ouverte à tous et en interaction avec son milieu. En plus de jouer ses rôles traditionnels de conservation et de diffusion du savoir, elle vise à soutenir et à encourager le dynamisme culturel local en facilitant notamment la tenue d'activités d'animation et d'exposition. La bibliothèque de district n'est pas envisagée comme un point de service mais un lieu à fréquenter, qui offre des expériences stimulantes en constant renouvellement.
Outre la mission à caractère social et culturel dont est chargé le projet, celui-ci offre l'occasion de revisiter les rapports qu'un tel équipement public entretient avec son milieu au plan urbain, dans un district jeune et dynamique qui s'est considérablement développé ces dernières années, le long d'un axe commercial et institutionnel somme toute semblable à ceux que l'on trouve un peu partout en Amérique du Nord, c'est-à-dire composé d'une succession discontinue de bâtiments disparates et souvent entourés de larges surfaces de stationnement. L'occasion est belle de faire de ce projet un plaidoyer pour la requalification de tels milieux et d'actualiser, vingt ans plus tard, le caractère exemplaire attribué au premier bâtiment. »
(Tiré du programme du concours)
La bibliothèque Félix-Leclerc érigée en 1985-1986 dans l'ancienne municipalité de Val-Bélair (qui fait maintenant partie de la ville de Québec), soulève dès sa mise en service, l'intérêt des gens du milieu et devient une référence incontournable dans la région. L'Ordre des architectes du Québec reconnaissant déjà, en 1987, le caractère exemplaire du projet, en attribuant à ses concepteurs, Claude Bisson et Onil Poulin, ainsi qu'au maire de la municipalité une « distinction en architecture » dans le cadre de son programme annuel de prix d'excellence.
La bibliothèque a été conçue de manière à répondre aux besoins de la population locale de l'époque et à contenir en conséquence une collection de 36 000 volumes. Dix ans plus tard sa collection s'étant enrichie substantiellement, l'équipement ne rencontre plus les besoins escomptés. L'augmentation rapide de la population de Val-Bélair, le pouvoir d'attraction de la nouvelle bibliothèque, la présence d'une nouvelle école secondaire voisine dépourvue de centre de documentation constituent les principaux facteurs d'un tel succès.
En dépit d'une demande d'aide financière auprès du Ministère de la Culture et de la Communication (MCC) en juin 1998, la ville de Val-Bélair doit accepter le moratoire imposé par le MCC sur la construction des établissements culturels. Des travaux de rénovation sont alors réalisés au frais de la ville en 2001. Finalement, suite à des retards occasionnés par les fusions et dé-fusions municipales, la ville de Val-Bélair reçoit, le 2 mars 2006, l'agrément du MCC pour le projet d'agrandissement de la bibliothèque dans sa forme actuelle et lance le processus de planification d'un concours d'architecture conformément à ses politiques en vigueur.
(Texte CCC)
(Consultez les projets des concurrents pour les commentaires spécifiques du jury)