Concourir pour l'esprit de compétition
En ces temps de crise de confiance généralisée envers les administrations municipales, on ne saurait trop conseiller aux décideurs, comme aux citoyens, de prendre acte de la façon dont certains concours construisent la qualité de nos villes, de façon sans doute imparfaite, mais certainement plus transparente que les « enveloppes brunes » et autres « chaussettes de billets » qui défraient régulièrement la chronique. Avec un deuxième concours en deux ans, faisant suite au renouvellement de la bibliothèque en 2009 et en misant cette fois sur un équipement sportif d’envergure, l’arrondissement Saint-Laurent confirmait en 2010 une volonté de mobiliser les forces vives de l’architecture par une mise en concurrence des talents dans un esprit d’équité démocratique au nom du sport.
Les concours font parfois l’objet de controverses, mais l’histoire des concours à l’échelle internationale n’est en rien constellée des scandales et stratagèmes de corruption qui minent actuellement la crédibilité des investissements dans les municipalités québécoises. Un concours repose sur la mise en concurrence des expertises et des talents. Ces mêmes expertises et ces mêmes talents sont toujours à renouveler, les bonnes idées n’étant pas coulées dans le béton.
Le problème posé par Saint-Laurent en 2010, pour des aménagements qui ne pouvaient se réduire à de simples équipements sportifs, se composait de bassins, d’un stade de soccer, de diverses salles d’entrainement, d’un gymnase, le tout agrémenté d’un café et de bureaux. Rien de compliqué en apparence et pourtant le contexte urbain distendu, le long du boulevard Thimens, doublé d’une ambition de renforcer la forme urbaine de cet arrondissement très dynamique du nord de Montréal, appelait à l’œuvre quatre des meilleures équipes montréalaises : Saucier + Perrotte avec Hughes Condon Marler, Affleck + De la Riva avec Cannon Design, Lapointe Magne et Associés avec l’OEUF et finale- ment Saia Barbarese Topouzanov avec Hudon Julien Croft. Des noms connus, certains diront qu’il s’agissait d’habitués des sélections de concours, mais le fait est que ces équipes partaient sur un pied d’égalité en matière de compétences et d’engagement dans la qualité architecturale.
De façon originale, un jury, majoritairement composé d’architectes, fut dirigé par le célèbre commentateur sportif Richard Garneau, dont la finesse d’esprit et la justesse des analyses n’ont d’égal que la longévité radiophonique. Parmi les critères de jugement, et comme le remarquait déjà la professeure Cucuzzella dans son éditorial de septembre 2012 à propos du concours de la même municipalité pour la bibliothèque en 2009, on pouvait s’inquiéter de retrouver une place exagérée octroyée à l’obligation d’obtenir la certification LEED Or. Il faut croire que le jury n’a pas confondu LEED Or et médaille d’or, puisqu’en parcourant le rapport très détaillé rendu public suite au concours on comprend que le jury a finalement opté pour « la qualité du geste architectural, la pertinence de l’innovation de l’enveloppe, la simplicité du concept, la création d’une image distincte au plan urbain, tout autant que la stratégie en développement durable » autant de qualités désignant le projet lauréat du consortium Saucier + Perrotte, Hughes Condon Marler architectes. Il aura d’ailleurs fallu plus de quinze années avant que la firme Saucier + Perrotte, qui avait remporté le concours pour la Faculté de l’aménagement en 1994 ne remporte un concours en terre québécoise, alors même qu’elle ne compte plus les prix, reconnaissances et succès tant au Canada qu’à l’étranger. Un succès en entrainant un autre, nous reparlerons dans une prochaine mise à jour du
CCC, du concours pour le Complexe de soccer intérieur qu’ils viennent de remporter et construiront dans le quartier Saint-Michel à Montréal.
Deux aspects retiendront notre attention dans cet éditorial : le premier concerne une véritable question de composition architecturale, le deuxième une question de composition du jugement architectural. Dans un premier temps, on remarquera que la conception d’un complexe sportif déborde rapidement les questions de fonctionnalité pour atteindre la problématique de la composition formelle et plus encore le traitement de l’enveloppe distinctive. Aux deux extrêmes des propositions pour ce concours, on trouvera deux traitements topographiques : celui du projet de l’équipe Saucier + Perrotte et celui de l’équipe de Saia Barbarese Topouzanov. Si le projet lauréat décline le soulèvement de l’enveloppe terrestre dans un mouvement tectonique, au sens géologique du terme, le second hésite entre le dessin d’une nouvelle topographie et l’image du projet enseveli. Le jury manifestera d’ailleurs son inquiétude pour « l’ampleur de l’excavation » ou la complexité de la structure du toit tout en relevant l’intérêt d’une toiture « végétalisée ». Quand on mesure le souci de l’arrondisse- ment pour le renforcement de son image urbaine le long du boulevard Thimens, on en déduit que le parti paysager fut sans doute l’erreur stratégique de la part de cette équipe. C’est bien l’image urbaine que les deux autres projets avaient anticipée en misant sur le traitement des grandes « boîtes » sportives. Si le projet d’Affleck + De la Riva va jusqu’à proposer un prolongement des activités intérieures en direction d’espaces extérieurs dits « évènementiels », ce qui se conçoit bien quand on mesure la part démesurée des surfaces de stationnement imposées par ces équipements, on peut rester songeur devant l’audace méthodologique du projet de Lapointe Magne. Ce dernier a effectivement misé sur une stratégie de « design intégré » dont l’équipe de l’OEUF s’est faite le porte-parole depuis quelques années. Les planches du concours ont opté pour une inhabituelle mise en évidence — sous la forme d’un reportage photographique — de la méthode de travail préconisée plus encore que du projet et cela leur fut reproché au final. Faut-il y voir une contradiction liée aux calculs de la certification LEED ou à la stratégie de communication imposée par l’exercice du concours ? Il faut croire, à la lecture du rapport de jury, que celui-ci n’a pas adhéré à la proposition intégrative imposant un projet en plusieurs étapes, et a préféré limiter les risques en satisfaisant des attentes municipales portant sur la détermination d’une forme urbaine immédiate.
Le deuxième et dernier aspect que nous voudrions soulever à l’occasion de ce concours concerne le rôle décisif du jugement. En effet, le jury, une fois n’est pas coutume, a décidé de rendre public l’intégralité de son jugement et surtout la longue liste de ses recommandations au projet lauréat. Nous ne pouvons que conseiller aux visiteurs du
CCC de parcourir la rubrique « généralités » de la fiche du concours « Complexe sportif Saint-Laurent » pour mesurer l’épreuve d’humilité imposée à l’équipe lauréate en près d’une vingtaine de recommandations « conditionnelles à son choix». Faut-il s’offusquer qu’un jury se permette d’imposer des recommandations très précises à ce qui reste après tout une esquisse de niveau concours ? Faut-il accepter qu’un jury demande «d’assurer un accès facile pour le personnel d’entretien aux salles de mécanique » ? Et que faut-il penser d’un jury d’experts architectes qui demande de « corriger l’accès public aux gradins du soccer pour qu’il se fasse à partir du hall d’entrée » ? Nul besoin d’en faire des injonctions menaçantes, car ce sont clairement des aspects que tout bon architecte corrigera de lui-même dans les étapes subséquentes de formalisation du projet. Que penser par contre d’une remarque telle que : «l’étendue de la couleur rouge au plafond de la piscine est vue comme oppressante»? Cela traduit-il un véritable jugement collectif ou la simple anxiété chromatique d’un membre du jury désireux de tons pastel apaisants? On ne fera pas ici de mauvais procès au pouvoir de tout jury de concours de formuler des recommandations pour l’amélioration des projets, il s’agit non seulement d’une prérogative, mais d’un devoir de tout jugement qualitatif : encore faudrait-il que l’on se donne les moyens de permettre à tout ou partie du jury de faire un suivi direct de ces transformations dans les étapes suivantes du projet. C’est un modèle que nous avons eu l’occasion de présenter dans le numéro 154 de la revue ARQ en février 2011, en précisant que «juger c’est aussi concevoir un projet» (
judgement by design). Si les architectes et les concepteurs en général se doivent de recevoir les critiques, on pourra toutefois attendre d’un rapport final plus d’envergure, plus de critiques architecturales et moins de microdécisions.
Le Complexe sportif, le carrefour des activités physiques et sportives de l'arrondissement de Saint-Laurent, est un lieu de rassemblement multifonctionnel, vert et vivant.
L'arrondissement de Saint-Laurent est heureux d'offrir à ses citoyens un tout nouveau Complexe sportif du XXIe siècle répondant aux besoins toujours croissants des clientèles sportives de Saint-Laurent ainsi qu'au dynamisme de ses associations.
Depuis quelques années, une croissance exceptionnelle de la population de Saint- Laurent, qui frôle les 90 000 habitants, fait en sorte que la demande pour les activités sportives est en constante augmentation. Ces fortes demandes font du Complexe sportif un incontournable.
D'une superficie d'environ 14 520 m2 bruts, ce dernier permet de compléter la gamme d'activités sportives actuelles dans des espaces adaptés aux besoins d'aujourd'hui. Respectant les principes d'accessibilité universelle, le Complexe sportif est doté d'installations comprenant, entre autres, les plateaux sportifs suivants : une piscine et un bassin récréatif, un terrain de soccer, une palestre gymnique, un gymnase, une salle d'entraînement et une salle multifonctionnelle. De plus, son hall d'accueil lumineux, avec à proximité un café ainsi qu'une aire de repos, offre aux usagers des espaces de rencontre et de détente agréables à fréquenter. Finalement, des bureaux administratifs, autant pour le personnel que pour les organisations bénévoles, complètent les espaces. À travers une offre d'activités physiques variées, le Complexe sportif de Saint-Laurent devient un lieu de rencontre et d'intégration pour les nombreuses clientèles d'âges et d'origines diverses.
Pour les nombreux athlètes qui le fréquentent, le Complexe sportif est un important pôle sportif régional où se tiennent des compétitions régionales et provinciales dans des installations répondant aux meilleurs standards de qualité. Ces installations performantes permettent aux clubs sportifs d'offrir une gamme complète de compétitions régionales.
Le Complexe sportif innove par sa localisation stratégique sur le boulevard Thimens et son axe civique où l'on retrouve, dans un rayon de 1,5 km, une importante activité humaine qui s'ajoute à la population résidentielle. Il y a ainsi l'École secondaire Saint- Laurent, l'aréna Raymond-Bourque, la nouvelle bibliothèque, centre d'exposition et réserve muséale, le parc Marcel-Laurin et son boisé, le Centre de formation professionnelle Léonard-De Vinci et un important secteur commercial et industriel.
La Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys est un acteur important dans le cadre du projet et est actuellement propriétaire du terrain. Actuellement, des discussions sont en cours avec la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys afin de conclure une entente permettant la réalisation du Complexe sportif et les modalités d'utilisation des installations sportives. Les parties souhaitent un lien intérieur avec l'École secondaire Saint-Laurent permettant d'offrir des activités physiques aux étudiants dans le cadre de leurs activités scolaires ainsi que des installations complémentaires aux usagers du Complexe sportif.
Bâtiment vert, avec l'obligation d'obtenir la certification LEED NC 1.0 de niveau Or, il est un projet exemplaire en termes de développement durable. Il est un symbole emblématique pour tous les citoyens, tant par sa localisation et sa vocation, que par l'excellence de son architecture et de son design. Tout en gardant une échelle humaine, l'édifice séduit, par sa transparence intérieure, sa luminosité et son intégration harmonieuse à l'environnement.
(Tiré du règlement du concours)
Le jury recommande le projet de Saucier Perrotte/Hughes Condon Marler en raison de :
• La qualité du geste architectural;
• La pertinence de l'innovation de l'enveloppe;
• La simplicité du concept;
• La création d'une image distinctive et signalétique au plan urbain;
• Son potentiel d'évolution dans le respect du concept et du budget;
• Le respect des superficies;
• L'efficacité des stratégies en développement durable : empreinte au sol, ventilation, utilisation des murs comme capteurs.
Le jury reconnaît cependant que le projet doit répondre à certaines exigences du programme et émet plusieurs recommandations conditionnelles à son choix, notamment au niveau de l'organisation fonctionnelle et du budget.
Recommandations :
• Corriger l'accès du public aux gradins du soccer pour qu'il se fasse à partir du hall d'entrée;
• Repenser la relation de la palestre avec les vestiaires et le niveau des gymnases de l'école tant pour les participants que pour les équipements;
• Le lien avec l'école est à revoir, car il n'aboutit pas dans le bloc sportif de l'école et au bon niveau;
• Réduire la hauteur du volume de la piscine afin de l'éloigner légèrement du toit de l'école existant, et ce afin de réduire les problèmes dus à l'enneigement;
• Créer un lien agréable vers le parc, sans passer par la zone sécurisée; le bâtiment, dans son concept, propose peu de relation avec le parc;
• Assurer un accès facile pour le personnel d'entretien aux salles de mécanique : escalier et monte-charge pour les équipements;
• Rationnaliser l'emplacement des systèmes mécaniques et la géométrie de la toiture de la palestre pour minimiser l'ombre sur le mur capteur du soccer;
• Créer un hall chaleureux et accueillant, pour toutes les clientèles, dont celle de l'âge d'or;
• Favoriser l'utilisation du bois et de matériaux plus chaleureux dans les espaces publics;
• Rendre la rampe extérieure plus fluide pour accéder au passage en toiture;
• Ouvrir la façade parc sur celui-ci;
• Rendre l'entrée du complexe plus distincte de celle de l'école en réorganisant la place sans lui enlever sa flexibilité et polyvalence;
• L'accès au terrain de soccer à partir des salles de joueurs est trop exigu et l'aménagement ne correspond pas au programme du concours;
• L'escalier central, l'ascenseur et le vestibule de l'entrée principale sont trop étroits et devront être agrandis;
• Le champ de vision des spectateurs dans les gradins sur plusieurs corridors de la piscine est obstrué et il est à revoir.
• L'accès à la piscine à partir des vestiaires doit se faire entre les deux (2) bassins.
• L'étendue de la couleur rouge au plafond de la piscine est vue comme oppressante;
• Les ilots de verdure, dans le stationnement en phase 2, risquent de compliquer le déneigement en hiver; à revoir;
• Revoir les avenues de réductions des coûts proposés sans compromettre LEED Or et la réduction de la consommation énergétique de 60 %;
• Proposer d'autres avenues de réduction des coûts du projet à la lumière des dépassements budgétaires commentés par Macogep.
(Tiré du rapport du jury)
(Consultez les projets des concurrents pour les commentaires spécifiques du jury)
Ville de Montréal - Arrondissement de Saint-Laurent. Communiqué de presse (8/10/2006) Vers la construction d'un complexe sportif à Saint-Laurent
Ville de Montréal - Arrondissement de Saint-Laurent. Communiqué de presse (4/08/2010) Construction d'un complexe sportif à Saint-Laurent
kollectif.net (24/09/2010) Annonce - Concours du complexe sportif de Saint-Laurent - "Les quatre finalistes"
Métro (07/03/2011) Le nouveau centre sportif de St-Laurent dévoilé
Ville de Montréal - Arrondissement de Saint-Laurent. Communiqué de presse (7/032011) Coup d'envoi pour le Complexe sportif
Développement économique Canada. Communiqué de presse (7/03/2011) Dévoilement du concept architectural du futur Complexe sportif de Saint-Laurent
Fortin, Jean-Louis. TVA nouvelles (7/03/2011) Un complexe sportif futuriste à Saint-Laurent