Les strates du temps
L'îlot des Palais est un lieu charnière entre le cœur historique de la ville, le quartier du Vieux-Port, le quartier Saint-Roch et le quartier de la gare. Ces trois derniers, depuis les vingt dernières années, sont en pleine revitalisation et profitent d'une vie sociale de plus en plus développée.
Au confluent de ce secteur animé, l'îlot des Palais fait figure de « no man's land » rattrapé par un tissu urbain de plus en plus dense et modelé à sa périphérie par une logique urbaine bien ancrée dans le 21e siècle.
Si ses entrailles recèlent des vestiges du régime français dont la charge symbolique est grande, son bâti actuel témoigne pour sa part de l'évolution sociale, économique et politique de la ville à travers le temps.
Dans ce contexte, la revitalisation de l'ilot des Palais implique non seulement la mise en valeur du patrimoine mais aussi une intervention de restructuration urbaine qui pose un défi composé de trois problématiques principales en relation constante :
- Comment mettre en valeur les vestiges et la charge symbolique de ce lieu pour camer un espace évocateur, structurant la vie urbaine et sociale d'aujourd'hui?
- En des temps où le développement durable devient un enjeu des plus importants, comment mettre en valeur des vestiges d'une qualité indéniable sans pour autant effacer l'histoire et ainsi créer les ruines de demain?
- Comment marquer le temps d'une manière réellement authentique, évocatrice et ouverte vers l'avenir?
Prémisses du projet :
De notre point de vue, l'âme, l'authenticité et la vie de ce lieu à créer reposent sur deux caractéristiques structurantes, à savoir les strates d'évolution dans le temps et la charge symbolique de l'espace public anticipé au cœur de l'îlot.
Pour leur part, les strates d'évolution dans le temps sont caractérisées dans l'espace. En effet, si les vestiges authentiques du régime français sont enfouis dans le sol, pour sa part, le bâti actuel, bien que moins « noble », marque volumétriquement l'évolution économique de la ville. Or, toutes ces strates sont histoire.
En ce qui concerne l'espace public anticipé au coeur de l'îlot et qui a été défini dans le temps par les strates successives de bâti, force est de constater que s'il aura plus ou moins la même emprise que sous le régime français, en revanche sa charge symbolique, ce que l'on peut qualifier comme étant le « ressenti » de cet espace, ne peut échapper à l'évolution politique et sociale. En effet, d'espace d'apparat réservé aux politiques du régime français, il deviendra, au 21e siècle, un espace d'appropriation publique conforme aux idées démocratiques actuelles.
De notre avis, pour créer un lieu réellement vivant et ancré dans la ville, il importe de travailler avec l'horloge du temps en considérant, lors de sa matérialisation, toutes les époques de sa vie et celles de son périmètre, dont celles futures. En bref, il s'agit ici de créer, sur les traces du passé mais dans le respect du présent, un espace vivant où s'expriment matériellement toutes les strates du temps.
Projet:
La logique du tissu urbain périphérique et la typologie historique de l'îlot suggèrent de recréer la place d'honneur en implantant le bâti en périphérie de l'îlot, et ce, en ménageant des percées, l'une dans l'axe de l'allée d'honneur, les autres du côté de la rue Vallière et de la rue Saint-Nicolas.
L'encadrement de la place au nord et au sud s'opère par un face à face entre les deux blocs d'exposition, l'un localisé linéairement sur les vestiges de l'ancien palais et s'étirant vers la rue Vallière, l'autre, dans l'empreinte du second palais. Logiquement ensuite, les espaces réservés au public et aux dignitaires se répartissent respectivement du côté ouest et est (rue Vallière et Saint-Nicolas) de manière à conférer à chacun d'eux un accès qui leur est propre.
Cette logique s'exprime matériellement. Ainsi, le pavillon Jean Talon sera caractérisé par un soulèvement linéaire du sol du côté sud de l'îlot. Ce soulèvement libère de ses entrailles une gigantesque vitrine d'exposition des vestiges à l'est et le volume contemporain réservé à l'accueil et aux services au public à l'ouest. Entre ces parties, séparées par le porche de l'allée d'honneur, un parcours en boucle mène le visiteur au-dessus des vestiges et le long des fragments reconstitués des anciens murs du premier palais. Via ce parcours, le visiteur traverse successivement les salles d'exposition suspendues dans l'espace, un peu comme si la mémoire des anciens flottait dans le temps. Du côté ouest, l'accueil et le restaurant sont logés dans un volume bas qui recadre la place d'honneur tout en ménageant des percées visuelles en plongée depuis les fortifications et par transparence à partir de la rue Vallière.
Pour sa part, la deuxième phase du projet se caractérise par une volonté de requalifier et de recycler les infrastructures existantes. Parce qu'elle épouse l'empreinte au sol du second palais, l'ancienne brasserie sera reconvertie en espace d'exposition. Cette intervention inclut un travail sur les façades qui permettra de réaffirmer la symétrie d'origine du second palais. Par ailleurs, si la valeur historique de l'ancien entrepôt frigorifique semble discutable, ce dernier possède cependant une esthétique délicate, à l'échelle de la rue Saint-Nicolas et des hauteurs permettant de loger les fonctions protocolaires. Son extension nord crée en revanche un engorgement du côté de la rue Saint-Nicolas. Cette annexe sera donc démolie pour laisser place à un volume vitré sur pilotis, contigu à l'ancien entrepôt. Cette extension permettra d'une part, de compléter les espaces requis pour les dignitaires et d'autre part, de procurer un parvis d'accueil couvert pour ces derniers et ce, tout en permettant des percées visuelles pour le piéton à partir de la rue Saint-Nicolas vers la place d'honneur.
Cette configuration des interventions vient définir trois zones dans l'espace, à savoir, la cour d'honneur et deux parvis ombragés du côté des rues Vallière et Saint-Nicolas. Les lignes latérales des arbres dans l'axe de l'allée d'honneur subdivisent la cour d'honneur en deux espaces, l'un, généreux et central, réservé au jardin d'eau, l'autre, plus intime, réservé aux projections extérieures.
L'aménagement des rues piétonnes est-ouest fait partie intégrante du plan directeur et participe à l'interprétation. Sur l'allée des Prairies, qui sera convertie en rue piétonne d'ambiance, le profil du second palais est dessiné par un marquage au sol. Des cubes de verre laissent ça et là découvrir des fragments des vestiges des voûtes. Sur la rue Saint-Vallier, des parties de trottoir translucide laissent découvrir les vestiges de l'ancienne rue Saint-Vallier.
(Tiré du texte du concurrent)
7 numérisés / 7 accessibles
- Planche de présentation
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- Perspective
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- Extrait de planche
- Extrait de planche
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