Sur le dos de la baleine, entre l'objet et le territoire, se trouve un paysage
Regards:
Nous sommes à Grand-Métis, sur le dos de la baleine, en grand pays Gaspésien, morceau d'Amérique dont l'étendue du littoral rivalise celui de plusieurs pays Européens. Nous parlons de la démesure géographique avec tout ce qui s'y rattache d'immensités visuelles et de paysages côtiers interminables. C'est donc à partir d'un positionnement territorial, voire continental que nous abordons un processus d'idéation qui se déclinera ultimement jusqu'à l'échelle de l'objet.
Objet et territoire, c'est à l'intérieur de cet écart que nous situons les termes de référence de ce workshop.
Morphologiquement, la région de Grand-Métis s'apparente aux ondulations d'un tapis se déroulant depuis les hauteurs de Saint-Octave jusqu'aux rives du Saint-Laurent. C'est à cet endroit qu'il rencontre le ruban de grèves formant le littoral Gaspésien.
Les jardins historiques d'Elsie Reford évoquent l'image d'un creux, d'un espace tout en profondeur, fécond et enveloppant qui occupe le centre relatif d'un plateau supérieur. En un mot, il s'agit du ventre des Jardins de Métis, "it's womb". À sa sortie, l'allée Royale nous introduit à la Villa Reford, artéfact historique inséré dans l'écrin des Jardins. Au delà de ce noyau central qui forme l'attrait principal du site, la figure des jardins se déploie sur 25 hectares et projette sur le visiteur une image diffuse.
Le Dispositif:
Rivage.
Depuis Montréal une notion conceptuelle n'a cessé de nous animer; celle du rivage. Notion riche en significations, elle englobe à la fois l'échelle de l'objet et celle du territoire. Elle suggère le phénomène et le jeu des marées, l'idée d'apparition et de disparition. Ces notions s'apparentent de près au caractère éphémère et récurrent que sera le festival international de l'art des jardins contemporains. Ainsi, une fine lecture des Jardins, couplée à une vision territoriale et régionale, a guidé nos réflexions et le processus d'idéation reliés à ce workshop.
L'Allée Programmatique (second rivage).
Le thème rassembleur de rivage issu du processus d'idéation se traduit par une stratégie globale dont l'objectif primaire vise à renforcir les liens est-ouest des Jardins et ce, tout particulièrement en réponse à la condition d'éloignement relatif du site du festival des jardins contemporains. Ce renforcissement se concrétise sur le terrain par la reformulation d'un archétype traditionnel de l'art paysager; l'allée; un second rivage, une nouvelle grève sur laquelle pourra s'échouer le programme évolutif des Jardins.
- Dispositif primaire de mise en relation des grands blocs thématiques du futur Parc-Paysage, l'allée se calque sur le tracé d'un chemin existant qui traverse d'est en ouest le site des Jardins.
- Élément de médiation entre l'aire de stationnement au sud et le réseau interne des Jardins.
- Itinéraire scénographique constitué d'ouvertures et de fermetures, de resserrements et de relâchements, ponctués de mobilier et d'éléments signalétiques.
- Convoyeur et dispositif d'orientation ayant la capacité d'intercepter et de canaliser le mouvement des visiteurs vers les divers pôles d'animation et d'interprétation des Jardins et ce, depuis les zones les plus éloignées du stationnement.
- Corridor technique acheminant les infrastructures électriques et sanitaires des pôles primaires et secondaires. Il se termine à l'ouest par un belvédère d'observation sur l'embouchure de la rivière Métis.
Parallèlement à ce geste initial, un réseau de haies et un réseau signalitique exploitent les gradations d'échelles et les singularités sectorielles des Jardins. A ceci s'ajoute le décloisonnement du bloc technique et administratif et son intégration réelle aux Jardins; concept Haies et Hangars. Élément d'artialisation, ce jeu de haies de cèdres détourne la fonction première des aires de manoeuvres véhiculaires et génère des sous-espaces à fonctions multiples (butoirs-stationnements, filtres-tampons à l'entreposage saisonnier, aires de détente, enclos pédagogiques, etc.). Cette stratégie paysagère vise en outre la densification des espaces extérieurs et ce, en réponse au problème d'éparpillement du bloc technique et administratif dont fait état les tableaux forces-faiblesses du programme d'aménagement.
La Ligne Bleu (fil d'Ariane).
Par ailleurs, en tenant compte d'un cadre budgétaire restreint, nous proposons une approche architecturale et une stratégie paysagère se voulant pragmatiques, misant sur l'efficacité et l'économie des moyens. Ainsi, l'allée programmatique se veut un élément à caractère modulaire qui se manifestera graduellement sur le terrain suivant l'évolution des blocs thématiques des Jardins.
Il s'agit également d'un élément catalyseur via La Ligne Bleu (bâche bleu tendue sur clôtures Frost), dispositif signalitique à registres multiples dont notamment, le pavot bleu (emblème des jardins), la mer, le "color-field painting" des années cinquantes à New-York et enfin, "l'écran bleu" du septième art sur lequel se projettent tant de mondes... Véritable fil d'Ariane, cet élément d'orientation initiera à peu de frais et de façon percutante un parcours scénographique à l'échelle du site. Parcours, soulignons le, mettant en lumière la saison inaugurale du festival international de l'art des jardins contemporains en l'an 2000. Suite à cet événement, il incombra aux administrateurs des Jardins de Métis à décider du caractère soit permanent ou éphémère de la Ligne Bleu.
L'Architecture (l'objet industriel).
L'approche architecturale se veut de facture contemporaine. Nonobstant la Villa Reford que nous considérons comme artéfact historique au sein d'un jardin écrin, l'image des nouveaux bâtiments renvoit aux piles de bois d'oeuvre qui caractérisent autant l'histoire que les usages actuels de la région et de la rivière Mitis. Cette analogie est abordée par l'émergence de petits bâtiments pavillonnaires dont la rigueur des gabarits et des enveloppes en lamelles de bois proposent une nouvelle lecture de l'objet industriel. Associé aux volumes primaires, un système de panneaux en lattis définit les aires extérieures des bâtiments, tient lieu de pares-soleil, de brises-vent et d'éléments de rythmique en facade. Développé selon l'idée d'une série de filtres séparant des environnements potentiellement conflictuels, il s'agit également de supports aux vignes grimpantes à savoir, d'éléments d'insertion au paysage.
Un code de couleur permet d'identifier les fonctions principales du programme architectural: bleu pour l'affichage médiatique, rouge pour l'enveloppe principale en bois, jaune pour tout ce qui est abri extérieur, lattis verticaux et horizontaux. L'objectif vise à établir une typologie architecturale facilement repérable de part sa codification chromatique. Les pôles d'accueil principaux et secondaires s'implantent de part et d'autre de l'allée programmatique. Cette disposition spatiale génère un effet de resserrement à l'endroit de leurs chevauchements et ce, tout en conservant la liberté de passage inhérente au concept de l'allée.
Le Site du Festival (champ libre).
Le site du festival se dessine en trois temps:
1- Coffrets verts.
Ces éléments périmétriques se veulent le prolongement des chambres vertes actuellement en place au nord du site. II s'agit d'une série de cabinets de verdure insérés le long des frontières boisées à l'est et au sud du site. Notons que ces coffrets peuvent être les lieux d'accueil des "jardins en progression" dont il est question dans l'énoncé d'orientation.
Associés aux coffrets verts sont les éléments suivants:
- Le Passage "Hanse/ and Gretel" : brèche linéaire taillée dans le boisé formant la frontière est du site. Sentier d'environ trois mètres de large il débouche au nord sur une des chambres vertes existantes et au sud sur la Route 132. Cet élément peut s'associer à la traversée mythique du "bois sombre". II va sans dire que les créateurs et le public seront encouragés à se l'approprier.
- Le "Coffret bleu" : espace de création innondable il est accessible depuis la grève et clairement visible depuis le sommet de la falaise qui surplombe cette portion du littoral. Situé dans la zone des marées, à proximité de l'endroit ou le ruisseau existant se déverse dans le fleuve, le coffret bleu s'inspire d'un élément analogue jadis présent dans cette zone et que l'on peut identifier sur les photos aériennes du secteur datant des années cinquantes.
2- Profondeur de champ (depth of field).
Décapage des remblais argileux de la friche centrale et transformation de celle-ci en prairie à herbes longues. Le ruisseau existant est conservé et ses pentes adoucies suite au rabaissement du terrain. La configuration rectangulaire de la nouvelle prairie renvoit au rangs agricoles typifiant la région immédiate et de surcroît exploite par analogie paysagère le milieu marin. Les créateurs seront invités, selon les thèmes du jour, à y déposer leurs oeuvres de façon aléatoire, oeuvres qui dès lors peuvent être perçues tels des vaisseaux à la dérive sur une mer d'herbes mouvantes.
3- Promontoire d'observation.
Landart réalisé à partir des sols argileux récupérés lors des travaux de décapage précédents, cet élément tient lieu d'écran sonore à l'endroit de la Route 132 et dégage depuis son sommet une vue privilégiée sur l'aire centrale du festival. La géométrie en tête de flèche du promontoire répond à la fois à la dynamique de l'allée programmatique et à la poussée de la prairie aux herbes longues. De plus, notons l'enjambement de la prairie centrale en rive opposée de la Route 132. Ce geste suggère la possibilité d'une série d'interventions artistiques dans ce secteur. A ceci s'ajoute le concept des Affiches jardins / Jardins affiches, élément de signalitique majeur en bordure de la Route 132, espace-structure que les créateurs invités pourront s'approprier et manipuler à volonté.
Ainsi, le concept d'aménagement du site du festival vise tout d'abord à créer un effet de contraste entre l'ordonnance des Coffrets verts en périmétrie et l'expansivité aléatoire de la prairie centrale. Encore une fois, nous misons sur l'économie des moyens soit, sur des opérations de remblais et de déblais équilibrés ainsi que sur une mise en scène et sur une structure paysagère simplifiées. Ce dispositif présente une flexibilité programmatique permettant, à la limite et selon les circonstances, à un seul créateur d'occuper la prairie centrale. Qui plus est, la présence d'une série de coffrets verts au sud, en bordure de l'allée programmatique, introduit le visiteur au site du festival, agit en complicité avec l'éventuel jardin des sculptures en rive opposée et dégage une possibilité fort intéressante à savoir, la répercussion des oeuvres en amont de l'allée.
Itinéraires secondaires.
Associés aux principales stratégies paysagères et architecturales on retrouve des itinéraires et des thématiques secondaires tels, le Parcours des Flambeaux des jardins historiques ainsi que la diffusion à l'échelle du site d'un mobilier type inspiré de la chaise Adirondack, mobilier disposé de telle sorte à encourager des regroupements conviviaux. De plus, nous entrevoyons la possibilité d'un maillage étroit entre mobilier et réseau signalitique; d'une constellation de points à terme pouvant guider le visiteur à travers les itinéraires secondaires des jardins. En bout de ligne, nous préconisons une stratégie sectorielle au niveau de la Villa Reford qui, par le biais d'une séquence paysagère à caractère paticulier, amplifie l'intérêt sensoriel de l'axe terminal menant au belvédère d'observation; concept Haies et Mouches. Ce dispositif renvoit à la fonction d'origine de la Villa à savoir, celle d'un camp de pèche au saumon. II se veut un détournement de l'art Topiaire traditionnel et mise à inscrire l'objet (la mouche) dans le paysage.
En conclusion, cette stratégie globale offre des pistes d'aménagement qui rejoignent les préoccupations d'ordres fonctionnel et spatial des gestionnaires. Elle propose des solutions pragmatiques pouvant être mises à exécution à court terme et révèle les potentiels latents du site. Les esquisses conceptuelles démontrent l'aisance avec laquelle l'allée progammatique et en particulier le nouveau pôle d'accueil peuvent se greffer à l'existant. Nous croyons que cette figure renforcie l'identité du lieu et de la région et va dans le sens d'un Parc-Paysage dont la figure sera ouverte sur le troisième millénaire. Elle introduit une nouvelle forme de représentation qui par les jeux de l'analogie paysagère et architecturale permet d'aborder l'écart objet-territoire sur le site des Jardins de Métis.
(Tiré du texte du concurrent)
Comme la proposition précédente, ce projet présente des solutions pertinentes à certaines problématiques particulières. Toutefois, le concept de paysage manque de clarté et de cohérence et l'ensemble est plus de l'ordre de la collection d'éléments et de l'échantillonnage d'idées.
Ainsi, par l'intrusion d'éléments contextuels à l'intérieur du site des Jardins, ce projet laisse voir une invasion du territoire où il est difficile de cerner les gestes vraiment essentiels. De plus, il laisse des doutes quant à l'appropriation qui est faite du paysage existant, particulièrement dans les jardins historiques où les interventions proposées risquent de semer la confusion chez le visiteur.
En ce sens, la proposition est apparue trop littérale et peut-être un peu décorative. Comme la présentation graphique qui a parfois tendance à mettre l'emphase sur des éléments secondaires.
Certaines intentions sont intéressantes, telle l'approche vernaculaire possiblement fort judicieuse. Toutefois, l'inspiration semble demeurer un fait graphique plutôt qu'un véritable énoncé conceptuel.
De plus, une certaine ambiguité persiste au sujet de la définition et de la présentation de certains dispositifs comme, par exemple, l'axe de l'ancien chemin tantôt présenté comme un filtre et tantôt comme une barrière.
(Tiré du rapport du jury)
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