L'école sans corridor
Nous disposons ici d'une opportunité de réimaginer l'école de la « nouvelle culture de l'éducation » en contrepoint au modèle post-industriel impliquant une culture de normalisation dans lequel la conformité est principale mesure de réussite. Quelle est la réponse architecturale qui célèbre la curiosité et l'adaptabilité de la pédagogie pour répondre aux modes d'enseignement contemporains ? Si l'engagement et la curiosité sont les moteurs de la réussite, comment l'espace peut-il provoquer, stimuler et impliquer chaque élève ?
Au coeur d'un environnement naturel à grande échelle, le futur parc municipal fera partie d'un système récréo-civique connecté au Mont-Shefford, nous voyons une occasion de lier cette approche pédagogique à ce contexte idyllique. Le concept architectural propose une approche paysagère dans laquelle l'école se lit comme partie intégrante et continue du parc en devenir.
Fragments et vide intérieur fédérateur
Typologie dominante depuis les années 60, le corridor central desservant les classes utilise un système constructif efficace qui présente de nombreux avantages pratiques et économiques. Notre réflexion sur l'école du 21ème siècle découle d'une compréhension des avantages et contraintes de ce modèle résultant d'un processus industrialisé.
Par la suppression de la figure du corridor en tant qu'espace à usage unique, a proposition résulte d'une recherche spatiale qui ne tend ni vers le plan libre ni vers le modèle de distribution classique. Une succession de fragments spatiaux sont disposés dans une enfilade souple au potentiel de flexibilité et de densification d'usage supérieur aux deux modèles précédents. Conçu comme un champ continu, l'intérieur est fluide et participe, de concert avec le paysage, à créer l'illusion d'un espace sans limite. Ainsi, le projet propose de redéfinir les connexions entre les diverses composantes du programme. Chaque groupe de classe, organisé autour de la cours intérieures, se rapporte à un espace de collaboration généreux qui offre des connexions visuelles et d'usage entre les divers cycles.
Nous croyons aux bienfaits d'une pollinisation croisée entre les groupes d'âges afin de favoriser le développement d'un plus grand sens de la communauté, de la tolérance et de l'empathie. En ce sens, ce vide au coeur du projet se veut le vecteur du mélange social tout au long des 1080 jours que l'élève passera dans cette école. Les hiérarchies traditionnelles "figure-fond" sont alors effacées et une nouvelle condition spatiale émerge dans laquelle l'acte d'enseigner et d'apprendre acquiert une résilience et peut se permettre d'évoluer et d'être redéfini par les expériences et les volontés individuelles selon les principes formulés par Sir Ken Robinson; "As a densely woven fabric of reciprocating ideas, experiences, desires and insights".
L'empreinte de l'héritage local
S'inspirant du dessin des terres agricoles de l'Estrie et basé sur le dimensionnement d'une portée structurale efficace, un système de bandes avec décalages alternés définit un rythme spatial étendu à tout le site. En continuité matérielle avec le boisé au sud et avec la pinède au Nord, la structure de bois exposée participe poétiquement à l'ambiance des lieux et répond aux questionnements écologiques et économiques de notre époque.
Ainsi, les poutres et platelage de bois permettent autant d'articuler les plafonds que de participer au contrôle acoustique tout en réduisant l'empreinte en carbone de la construction.
L'école et sa façade aérienne en planches brutes de pruche superposées à un socle de pierre des champs possède un caractère résolument estrien. Elle évoque de manière forte les techniques constructives ancestrales des granges voisines et s'imprègne ainsi d'un soupçon d'âme locale tout en présentant un visage sobre et de lecture contemporaine.
Une stratégie spatiale soutenue par une intégration des systèmes
Les bandes fluides d'espaces collaboratifs sont stratégiquement séparées par des murs habités. Ceux-ci, en plus de constituer des seuils délimitant de manière douce les espaces collectifs, fédèrent trois fonctions :
1) Les espaces particuliers d'apprentissage : une juxtaposition minutieuse des échelles des espaces met à disposition des élèves et des enseignants des espaces de refuge et de concentration permettant une flexibilité dans l'enseignement et dans l'apprentissage.
2) L'entièreté des services de ventilation, d'eau et d'électricité, libérant le reste de l'école de tout élément technique. La planification de la mécanique se veut efficace et adaptée aux usages tout au long de l'année, alternant entre ventilation naturelle et mécanique.
3) Les circulations verticales et les services sanitaires.
Cette stratégie incarne à la fois polyvalence et prévisibilité et répond aux besoins des écoles contemporaines : inclusives, appropriables et évolutives. Ces espaces rationnels et simple sont riches en opportunités ; vues diagonales, surplombs, ventilation transversale.
L'école et ses paysages changeants
La forêt mixte et la pinède, les deux grandes figures paysagères du site, offrent de riches contrastes avec la structure agricole célébrant le paysage anthropique des Cantons-de-l'Est. Ce système paysager en bandes dans lequel l'école s'insère propose en alternance des surfaces végétales de natures variées : les prés fleuris et leurs vivaces et graminées mixtes et colorées, les jardins nourriciers et leur herbes médicinales et légumes colorés, les jardins de pluie et leur végétation caractéristique. Au creux de ces bandes végétales sont disposés des « pièces singulières » programmées -aires de balançoires, de ballon-poire ou de basketball par exemple -, accueillant le jeu libre - aire de sable, grandes aires de rassemblement à proximité de l'école, classes extérieures dans les forêts. Leur échelle et disposition rendent compte des besoins variés des enfants qui évoluent des stades de la petite enfance à l'enfance.
Temporalités
Des sentiers « informels » sillonnent à travers l'ensemble du site permettant aux enfants de découvrir les différents intérêts paysagers et attraits saisonniers. Ces sentiers changent de position au fil des besoins. Cette stratégie d'aménagement modulable est proposée de manière à instaurer des processus engageants, encourageant la participation des enfants au balisage et à la programmation spontanée de l'espace de la cour ainsi qu'à la découverte de cheminements et activités riches tout en apprenant à respecter la nature.
Découvertes par les jeux
Les divers sous-espaces ouverts du site suscitent l'imaginaire et encouragent la transformation de l'environnement. Parmi les jeux libres possibles, l'auto-construction à l'aide de matériaux récupérés et des troncs de bouleaux conservés serait envisageable.
Les sorties quotidiennes sont également l'occasion d'être actif à travers des jeux de grands mouvements, le cross-country sur une boucle de 2 km par exemple. Une butte existante dominant le boisé mixte est débroussaillée et aménagée pour offrir un bel espace de glisse hivernale. Parmi d'autres attraits saisonniers, la cueillette des courges dans les jardins nourriciers peut devenir l'occasion de célébrer les récoltes avec la communauté. Un banquet pourrait suivre une activité de cuisine collective. En effet, les jardins nourriciers communautaires sont en lien avec les intérieurs communautaires, cuisines, salle à manger, grande estrade végétalisée auquel la pyramide extérieure répond.
Des classes dans le paysage
Chaque classe est immergée dans un environnement naturel. Pour offrir un lieu propice à la concentration, les espèces d'arbres plantées à des endroits stratégiques forment un écran visuel d'intimité qui favorise la concentration. L'organisation générale du site va au-delà de la dualité avant-arrière habituelle, en formant une série de seuils, de la maison à l'école, de l'intérieur à l'extérieur, du pré à la forêt, qui suggèrent différentes appropriations des lieux. L'allée de pommiers et d'arbustes guide enfants et plus grands de la rue vers l'école. À l'arrière, cette allée marque le seuil de l'aire pour les plus petits.
De grands lieux, dehors et dedans
Les grands lieux communautaires au coeur de l'école sont disposés comme des éléments paysagers, flexibles et spatialement riches. La colline végétalisée du gradin surmontée de son oculus en est le point d'orgue et personnifie l'esprit du jeu libre et de la découverte de l'usage. À la fois salle à manger, place publique, théâtre romain et caverne ludique, il sert de point focal entre le gymnase, le service de garde, les salles d'arts, les bureaux du personnel et la cuisine didactique.
Notre proposition optimise le potentiel d'utilisation saisonnière de l'école par la communauté et facilite le développement du campus citoyen envisagé.
En dehors des heures de classe, l'aile des classes peut être fermée pour laisser place à l'utilisation des espaces communs par le public lors des soirées et des congés scolaires. Espaces appropriables tout au long de l'année, ils seront le lieux idéal pour des spectacles de fin d'année sur les gradins, des camps d'été dans le gymnase, des rencontres du troisième âge au sein des ateliers... Il sera avant tout un lieu de découverte pour tous, quelque part entre la forêt et le Mont-Shefford.
(Texte du concurrent)
ÉTAPE 1 :
Cette proposition semble s'orienter vers la montagne. La solution propose une démonstration originale du pavillonnaire-linéaire. Le jury reconnaît la force architecturale de cette proposition malgré qu'elle ne reprenne pas l'hypothèse de la typologie pavillonnaire exprimée dans les orientations du programme. Le concept permet une organisation claire et simple des espaces. Le jury dénote une intégration sensible sur le site avec un impact minimum qui favorise une bonne qualité lumineuse.
L'intention de collaboration s'exprime efficacement. Les petits, moyens et grands espaces dans l'école et leur titre métaphoriques sont précieux. Il y a une belle pénétration de l'extérieur vers l'intérieur de l'école. Cependant, la cour intérieure est diffuse, on ne voit pas bien le centre, l'espace commun, le point rassembleur, depuis les autres espaces de l'école. On ne voit pas distinctement le coeur de l'école.
Ce projet traduit une organisation des locaux d'apprentissage différente du programme. Les espaces de rassemblement par niveau sont intéressants. Plusieurs éléments ne sont pas répondus, notamment le besoin exprimé au regard de l'organisation des classes en L.
L'image architecturale gagnerait à être plus forte, elle est plutôt anonyme; les spécificités du Canton de Shefford devraient être reconnaissables.
Recommandations
Implantation, intégration du contexte et du paysage
L'implantation doit permettre une meilleure vue sur la montagne. Même si le concept est évident de par sa clarté, que l'intégration de la nature est soulignée comme élément apprécié, que la déambulation est riche dans tous les axes, enfin que le dialogue entre la forêt et la montagne soit inspirant, la ligne de force de la montagne doit être intégrée et il conviendrait de matérialiser davantage et de manière chaleureuse et sensible. Le jury souhaite que les espaces extérieurs soient hiérarchisés. On doit mieux comprendre comment occuper les espaces extérieurs.
Relation entre les aménagements extérieurs et intérieurs
L'implantation, l'entrée principale et le débarcadère doivent être travaillés. L'entrée principale devrait avoir une plus grande présence et ne pas être ensevelie dans le projet. Le nombre d'entrées et les proportions de celle-ci sont questionnés.
La fonction et la conception des espaces extérieurs, créés par les volumes doivent être mieux définies. Leurs dimensions et conceptions devraient prendre en considération le climat, l'ensoleillement, la sécurité, leur rôle, les vues de l'intérieur vers l'extérieur et les vues depuis l'extérieur vers l'intérieur, ... Il y aurait lieu d'intégrer et d'améliorer les préaux.
Aménagements intérieurs
Le coeur doit être plus généreux, son intégration, surtout au rez-de-chaussée, doit être travaillée pour inviter les rassemblements. L'ensemble doit être chaleureux dans sa matérialité.
Il faut améliorer le plan, la volumétrie et la matérialité. Plus de variété avec les échelles et les proportions doivent être explorées afin de rendre le bâti plus humain. Une plus grande générosité dans le traitement des espaces pourrait être donnée à la proposition. L'intérieur gagnerait à s'enrichir dans sa matérialité. Les vestiaires étant des lieux névralgiques à l'école primaire, il faut revoir le plan pour faciliter la gestion de ces périodes de transition de manière efficace (accueillir 320 élèves) et humanisante. Les espaces de circulation mériteraient d'être plus ludiques, dynamiques et inspirants.
ÉTAPE 2 :
Le jury souligne la richesse de la réflexion sur le paysage qui s'intègre de manière très sensible au projet et qui offre un paysage d'apprentissage changeant selon les saisons. Bien que la typologie ne soit pas pavillonnaire, le rapport entre l'intérieur et le site est bien senti par le jury. Ce dernier apprécie également les détails concernant la tectonique du projet. La matérialisation de l'enveloppe extérieure témoigne d'une belle intégration au contexte et constitue une belle évolution entre la phase initiale et le projet présenté. À l'intérieur, le jury relève les relations spatiales intéressantes entre l'espace communautaire, le gradin et la salle à manger. La salle à manger se prolonge à l'extérieur et offre un moment privilégié dans le projet où l'échelle du projet prend de l'ampleur dans un geste architectural généreux.
De plus, le jury souligne son appréciation positive des caractéristiques suivantes :
+ La simplicité et la chaleur des espaces intérieurs.
+ La présence de lieux à petite échelle qui génèrent des moments privilégiés ainsi que des vues généreuses sur le paysage.
+ La luminosité des espaces de collaboration.
+ L'épaisseur des bandes qui permet d'identifier différents volumes dans l'ensemble.
+ Le concept de l'épaisseur pour l'intégration des espaces de concentration qui servent également de zones tampon par rapport aux lieux de collaboration.
Enfin, le jury manifeste certaines réserves sur ces éléments :
+ Le positionnement du coeur de l'école qui est excentré.
+ L'aspect monolithique du projet. Malgré l'intégration des trames agricoles au projet, la forme du projet ne séduit pas le jury qui perçoit un ensemble fermé et autonome par rapport à son emplacement en nature.
+ Le manque de variété d'espaces en coupe.
+ La volumétrie de l'ensemble qui revêt un caractère institutionnel comparativement à la phase 1, où le jury percevait bien le glissement entre chacune des bandes.
+ La typologie proposée de nature hybride, alors que la typologie pavillonnaire était souhaitée.
+ La cour intérieure très restreinte, alors qu'il est souhaité qu'elle soit au centre du projet.
+ L'intégration et la relation avec le futur centre communautaire.
+ La séquence du vestiaire qui semble moins bien comprise.
(Tiré du rapport du jury)
37 numérisés / 37 accessibles
- Planche de présentation
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- Planche de présentation
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- Extrait de planche
- Planche de présentation
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- Extrait de planche
- Perspective
- Extrait de planche
- Perspective
- Extrait de planche
- Perspective
- Photographie de maquette
- Perspective
- Photographie de maquette
- Plan d'implantation
- Photographie de maquette
- Plan
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- Plan
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- Élévation
- Élévation
- Coupe
- Schéma
- Schéma
- Schéma
- Schéma
- Schéma
- Schéma
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- Schéma
- Schéma
- Schéma
- Schéma
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