L'APPROCHE CONCEPTUELLE ET LA RÉSOLUTION FORMELLE
Le Diamant: trois lieux de rayonnement
Plusieurs thèmes animaient nos réflexions sur le projet du Théâtre Le Diamant lors de la préparation de notre dossier de candidature. Parmi ceux-ci: la présence symbolique et signalétique du Diamant dans l'espace public et la ville de Québec; l'ancrage architectural du théâtre sur les places D'Youville et D'Aiguillon (terminus des autobus); la redéfinition formelle et fonctionnelle de ces futures places des spectacles en connivence et en complémentarité avec le Diamant; le devenir du YMCA, un édifice d'intérêt, dans un contexte patrimonial, social et culturel à très haute visibilité; l'évocation de la période art déco de l'ancien Cinéma de Paris par des motifs et des surfaces réfléchissantes. Ces thèmes génèrent notre approche conceptuelle axée sur le rayonnement. Ils nourrissent nos réponses au défi urbain, architectural, spatial et fonctionnel de ce projet, et quel défi: matérialiser, dans un site vaste, mais enclavé, un milieu de vie stimulant et inattendu, propice à la recherche, à la création et à la diffusion, en déployant des fonctions multiples selon leur caractère privé et public, leur autonomie formelle et leurs exigences fonctionnelles.
L'approche conceptuelle: mettre la table pour la création et l'identité
Notre approche conceptuelle consiste à créer un canevas inspirant pour Robert Lepage, où il s'exprimera et interviendra. Nous voulons poursuivre avec lui, ensemble, la conception d'un projet audacieusement identitaire, qui affirme, matérialise et fait valoir l'idée du Diamant et de son rayonnement.
Conjuguer la fragilité d'un YMCA à conserver et à mettre en valeur avec l'immensité d'une salle de spectacle à architecturer et à mettre en scène, «créer de l'espace» dans un site enclavé et offrir des potentiels d'appropriation, de transformation et d'expérimentation, voilà la mission qui nous anime. Notre intention: créer un espace d'interconnexions et de circulations qui s'insinue entre le réel et l'imaginaire. Un espace qui relie la place D'Youville à la place D'Aiguillon, qui prend place activement dans l'espace public et qui redonne au YMCA l'importance de son architecture. Un espace dont les parcours multiples orientent les visiteurs et les amènent des lieux publics vers ceux de diffusion et de création. Un espace qui réconcilie toutes les échelles architecturales d'un projet urbain très visible. «Créer de l'espace», où «construire le vide», dans l'étroite faille qui sépare une architecture néo-classique aux façades patrimoniales de pierre et une salle de diffusion opaque à la volumétrie immuable affirme une prise de position claire quant au devenir du YMCA. Pour ouvrir l'espace, nous avons tranché en insérant une diagonale de lumière à travers l'ancien, le tronquant, en conservant l'essentiel, le plus évocateur, significatif et structurant: les murs de refend en brique avec leurs arches. Ce geste franc dégage l'espace, libère des volumes, offre des parois extérieures et intérieures à l'appropriation, à l'exploration et à la représentation. Il définit des parcours architecturaux à scénographier.
Cette première diagonale est le leitmotiv organisationnel du Diamant. Irradiant sur tous les niveaux sous la forme d'un pan de verre, elle définit trois lieux de rayonnement singuliers : le YMCA, un lieu évocateur du passé et propice à l'animation, aux rencontres et aux échanges qui ravive l'espace public; le vide créatif, un espace hybride aux facettes multiples capteur de rayonnement et de mouvement et générateur de parcours architecturaux et d'explorations scénographiques entre le YMCA et la salle de spectacle, de la place D'Youville à la place D'Aiguillon; et, lieu de tous les possibles théâtraux, circassiens, musicaux, opératiques, la salle de spectacle, monolithique, texturée et réfléchissante au-dehors, transformable, plissée et captivante au-dedans.
L'approche urbaine : l'accident de parcours fondateur
L'analyse urbaine et historique de la place D'Youville, carrefour entre la basse-ville et le Vieux-Québec, et la découverte d'un «accident de parcours» dans la trame urbaine appuient nos hypothèses conceptuelles en liant le paysage construit du site élargi et les concepts architecturaux du Diamant. Cet «accident de parcours» qui structure en partie la place D'Youville repose, d'une part, dans la position et l'orientation du mur de fortification à cet endroit. À sa jonction avec la porte Saint-Jean, le mur force la rue éponyme à bifurquer entre les portions hors murs et intra-muros, ce qui crée un désalignement dans une trame urbaine autrement orthogonale tout en assurant la continuité et la primauté de la rue Saint-Jean sur les rues secondaires (voir plan d'implantation). L'«accident de parcours» relève aussi, d'autre part, du fait que, coïncidence morphologique ou incidence topographique, la côte d'Abraham suit le même alignement que le mur de fortification, tronquant l'édifice Bell pour rejoindre doucement la rue Saint-Jean. Cette position de la fortification joue donc un rôle dynamique dans le développement urbain de la place D'Youville et de ses abords, dont le Capitole. Une diagonale structurante du paysage construit se révèle. Cette deuxième diagonale sert de leitmotiv volumétrique et urbain au Diamant.
L'approche architecturale : une conception paramétrique unifiant les trois lieux
Faisant le pont entre les places D'Youville et D'Aiguillon, un volume de verre émerge en toiture à travers et derrière le YMCA, qu'il encadre en fond de scène. Ce volume, qui s'ouvre sur une terrasse au toit qu'il couvre en partie, agit comme lanterne urbaine. Côté D'Youville, le volume devient prisme de verre et évoque la portion manquante du «Y». Il en rétablit une certaine symétrie formelle en reflétant, sous certains angles et à certains moments de la journée, la dernière baie de la façade existante. Une allusion subtile à l'ancien. Ce prisme définit et signale l'entrée du Diamant et forme sa marquise. Côté D'Aiguillon, dans le prolongement du prisme, la projection du volume de verre met en place un dispositif scénographique multiétagé, face à l'espace public réaménagé. Profitant des espaces dégagés à l'intérieur sur tous les niveaux, une immense surface de verre s'offre à l'appropriation créative et à la représentation. Rappelant certains dispositifs Lepagiens, les coursives intérieures superposées attendent d'être exploitées. Sur la place D'Aiguillon, face au kiosque-billetterie et à des gradins amovibles, des parois mobiles peuvent ouvrir toute la façade protégée du rez-de-chaussée pour en faire une scène urbaine et laisser la nouvelle place publique entrer dans le foyer.
L'interaction des deux diagonales (le pan de verre et l'accident de la trame urbaine) met en forme des espaces publics de transition et de continuité entre les places D'Youville et D'Aiguillon et la salle de spectacle. Elle insuffle un dynamisme spatial étonnant entre la volumétrie imposante de la salle et les façades de pierre et murs de refend en brique d'une autre époque. Pour concilier l'ancien et le nouveau, elle prend pour appui le réaménagement des deux places en un nouveau carrefour culturel, selon leurs tracés fondateurs morphologiques et historiques.
La volumétrie du Diamant prend en compte le YMCA non comme une stèle désincarnée et factice, mais comme un édifice dynamique et saisissant. Le «Y» s'intègre ainsi en spatialité, en volumétrie et en matérialité à l'ensemble. Il importe que les trois lieux de rayonnement, imbriqués à l'intérieur, trouvent à l'extérieur une synergie aussi étroite. Pour ce faire, l'interprétation de la toiture mansardée du «Y» sert de premier dispositif. Sa volumétrie d'origine est restituée de façon contemporaine en un volume simple de verre, bardé d'un écran de béton perforé à hyper-haute performance - une innovation en construction -, doté de grandes lucarnes. L'ingéniosité de cette toiture réside dans le développement paramétrique du motif moulé de sa perforation - une innovation en conception. Le motif conçu, une évocation de la période art déco, pourra être modifié facilement grâce à un programme informatique de paramétrage, ce qui permettra en cours de conception de modeler cette façade paramétrique selon l'inspiration de Robert Lepage. Motif, densité des perforations, épaisseur, couleur et texture deviendront prétextes à la création.
Le studio 1 qui émerge en toiture et la salle de spectacle sont recouverts du même matériau, le même motif étant moulé dans la masse de béton, la teinte pouvant s'ajuster au besoin. Sur les parois du volume de verre entre le YMCA et la salle, des motifs sont sérigraphiés en transparence ou en translucidité, permettant l'occultation solaire.
À l'intérieur, le YMCA et la salle de spectacle s'affirment par rapport au troisième lieu de rayonnement du projet, le vide créatif, par leur matérialité respective. Ouverts sur ce vide, les intérieurs du YMCA sont chaleureux. Leurs épais murs de refend en brique conservés et leurs nouveaux revêtements de plancher et de plafond en bois évoquent l'esprit du lieu. En contraste, le volume opaque de la salle de spectacle est revêtu d'une paroi de béton à haute performance, texturé d'un motif paramétré. Entre les deux, le vide s'affirme par la lumière, les surfaces réfléchissantes et lisses et le mouvement des escaliers et coursives qui le parcourent.
L'approche scénographique : la polyvalence des accès et la simplicité des aménagements
L'approche scénographique pour l'aménagement de la salle, de la scène et des fonctions techniques relève des approches conceptuelle et architecturale. Pour offrir à Robert Lepage un canevas d'expérimentation, il a fallu dégager des espaces, des surfaces et des parois le long de la façade des Glacis et relocaliser des fonctions qui y étaient prévues au PFT. On a ainsi relevé le niveau des régies d'un étage pour dégager les accès au foyer et à la salle et formaliser le vide créatif. La coupe scénographique qui illustre cet aménagement montre l'efficacité des angles de vision que permet le plancher surélevé des régies. Selon les exigences scénographiques et la position du pont roulant, on pourra aménager une régie ouverte au niveau du foyer, entre les sas d'accès à la salle. Les bureaux des techniciens ont été superposés aux régies et pourvus d'une passerelle. L'équipe technique est ainsi rassemblée au fond de la salle sur deux niveaux reliés par un escalier de jonction et des échelles aux extrémités des passerelles. Côté salle, l'équipe est en contact direct avec les passerelles, le pont roulant, le grid technique. Côté foyer, elle a accès à ses locaux par les coursives, escaliers, ascenseurs et monte-charge qui desservent l'ensemble du théâtre. Elle est aussi à proximité des équipes de création et d'administration, des studios, de la cuisinette et de la terrasse. Un milieu de vie s'y installera avec convivialité.
Le plancher de la scène-salle est à niveau avec celui de l'entrée principale pour faciliter les parcours des visiteurs, mais aussi les déplacements de coffres d'équipement qui pourraient à l'occasion transiter par la place D'Youville. On a positionné le monte-charge hors de la scène, au-delà de l'escalier d'issue, pour assurer une parfaite étanchéité acoustique sur scène. Grâce à cet emplacement judicieux, il est possible de faire aboutir l'escalier d'issue au deuxième sous-sol, ce qui évite toute entrave aux opérations de chargement-déchargement. Desservant tous les niveaux, le monte-charge pourra servir de complément à l'ascenseur passager lors de spectacles intimes ou de cocktails dînatoires tenus dans le studio 1 ou à la terrasse. L'ascenseur passager lui a été juxtaposé: regrouper ainsi les transports verticaux dégage le fond de la salle et permet d'y insérer d'immenses portes de 6 m de haut en lien direct avec l'accueil et les foyers du rez-de-chaussée. Cette organisation laisse imaginer un immense banquet qui mettrait tous les espaces publics à contribution, ou encore une soirée festive intérieure-extérieure en relation avec la place D'Aiguillon, dont la topographie aura été ramenée au niveau de la salle, de la scène et des foyers.
(Tiré du texte du concurrent)
- l'image du Diamant est bien réussie; le volume de verre, sculpture lumineuse, offre une force identitaire à l'image du Diamant, d'Ex Machina et du monde du spectacle;
- la force du parti architectural se situe dans le traitement de l'écrin du Diamant; la notion de vide créatif est intéressante mais génère des espaces superflus;
- la version modernisée du toit mansard est élégante vue de l'intérieur mais affaiblit l'intégrité du volume du YMCA; la transparence doit être réservée au volume/sculpture tranchant le site;
- l'axe de verre traversant le projet permet d'arrimer les deux places; les empiètements sur le trottoir peuvent être problématiques;
- la résolution technique du PFT démontre une bonne connaissance et expertise en salles de production et de spectacles;
- la réduction des espaces commerciaux tel que proposée représente un handicap à la réalisation du projet;
- la refonte de la place devant la Banque Royale, côté rue des Glacis, amène une modification des niveaux qui n'est pas recevable dans le cadre de ce concours;
- le parti de traiter les façades du YMCA comme un décor sur le volume technologique en verre représente un geste audacieux en termes d'intégration patrimoniale;
- l'idée de base de la proposition est très séduisante et offre un bon potentiel de développement; c'est une idée fondatrice pour Le Diamant.
(Tiré du rapport du jury)
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- Planche de présentation
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- Perspective
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- Coupe
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- Élévation
- Axonométrie
- Schéma
- Schéma
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