LA NOUVELLE BIBLIOTHÈQUE
Réécrire une bibliothèque, c'est se questionner sur sa signification face à sa communauté, c'est porter un geste d'ouverture, d'échange, de culture et d'urbanité. Construire une bibliothèque, c'est également donner un lieu d'appartenance à cette société, un lieu d'appropriation où l'usager peut se retrouver face à la richesse de notre monde et face à lui-même.
La bibliothèque est aujourd'hui un noeud de connexions aux divers réseaux de notre société. Elle est plurielle et ouverte à tous, dynamique et connectée. Elle supporte alors l'individu et la collectivité. Elle constitue le lieu d'interaction entre l'individu et l'information, mais également entre l'individu et la collectivité. Elle n'est plus l'entrepôt de livres. Elle n'est plus autarcique. Bien au contraire, elle se nourrit de son ouverture aux autres. La bibliothèque se doit d'être le support d'activités multiples où tous, selon leur provenance, peuvent apprendre à se connaitre et à connaitre les autres. La bibliothèque est alors le support, le lieu où s'inscrivent les processus favorisant l'interaction et surtout, l'appropriation. Ses nouvelles limites ne sont pas celles du bâti, mais celle de notre société. Elles sont tantôt réelles, tantôt virtuelles. Tantôt humaines, tantôt naturelles. La création du lieu de culture et d'accessibilité au moment de l'idéation du projet initial a permis à tous de se côtoyer, de s'ouvrir et surtout, d'enraciner la bibliothèque Gabrielle-Roy dans notre communauté.
Aujourd'hui, c'est avec une humilité certaine que nous nous devons d'approcher conceptuellement ce projet. Avec respect et attention, afin de maintenir l'offre en place et de l'accroitre dans l'avenir, mais surtout avec la ferme volonté de créer un lieu d'exception pour tous.
UN GESTE D'APPROPRIATION
La bibliothèque Gabrielle-Roy est une institution majeure à Québec reconnue principalement pour son innovation lors de sa réalisation. Il y a plus de 35 ans, la ville de Québec décida de porter un geste audacieux au coeur d'un quartier en pleine mutation, le quartier Saint-Roch. Ce lieu riche en histoire - pâturage, marché public, interface d'échange, lieu de délibération, lieu de commerce et de transit - a tenu un rôle social important tout au long de son existence. Le quartier l'est tout autant. Théâtre de manifestations, de la vitalité économique de la ville, de périodes plus difficiles, siège de l'industrie du textile à Québec et de nombreuses manufactures, le quartier est toujours un lieu populaire et dynamique. Il nous appartient à tous aujourd'hui d'inscrire la nouvelle bibliothèque Gabrielle-Roy dans cette continuité. Le défi principal ici n'est pas la création de l'objet architectural, mais la création du lieu social qui repose sur des strates significatives de son génie. Il se résout dans une longue réflexion sur le lieu et son histoire, certes, mais principalement sur ses usagers et dans la compréhension de leurs besoins, qu'ils soient jeunes, retraités, étudiants ou oubliés. Notre approche s'articule autour de ces diverses clientèles qui cohabiteront intra et extra muros afin que tous puissent, à leur manière, s'approprier leur bibliothèque.
Ainsi, la prémisse de notre approche est le questionnement suivant : comment la bibliothèque Gabrielle-Roy peut-elle, à travers ses nouveaux espaces, devenir un lieu d'appropriation significatif pour l'ensemble de la collectivité?
Notre réponse est multiple. Elle s'articule autour de gestes porteurs et signifiants allant de l'urbain à l'humain : la place, la place déployée, l'agora et l'espace individuel. Ces composantes forment une continuité, de l'espace collectif à l'espace individuel. Elles s'articulent autour d'éléments significatifs du continuum historique du lieu : la rue St-Joseph autrefois piétonne, le quartier Saint-Roch comme espace créatif et de diffusion, l'atrium comme pièce maitresse de l'architecture de Gauthier Guité Roy, les éléments de maçonnerie angulés et fortement liés à l'image du lieu. Ainsi, l'atrium central existant est aujourd'hui mis en valeur, lumineux, habité, et véritable catalyseur du renouveau de la bibliothèque. Notre réponse est également une réponse sociale, supportant alors les activités de l'usager, des employés, des visiteurs ou toute personne déambulant simplement dans le quartier.
Elle s'inscrit également dans la mémoire du lieu, la mémoire collective d'un quartier ouvrier organisé simplement. Enraciner la bibliothèque dans son milieu, l'inscrire dans ses contextes sociaux, économiques, culturels et paysagers, c'est faire un geste d'appropriation, un geste vers l'usager et un geste d'ouverture mais principalement, c'est définir l'institution comme une composante intrinsèque de son milieu et de sa collectivité.
UNE BIBLIOTHÈQUE DÉCOUVERTE
L'espace urbain est le socle de toutes activités collectives. Limite entre la rue et l'espace intérieur, la place publique se déploie ici sur tous les étages, elle s'ouvre à la collectivité. Au coeur de cette place déployée sied l'agora suspendue. L'agora est le lieu des murmures, de la diffusion, de l'échange, elle diffuse le savoir à travers l'ensemble de la place. Elle regroupe et unifie. Les agoras ont toujours été les hôtes d'activités sociales, d'activités politiques, d'interactions. Ici, l'agora est l'élément générateur. Elle est le lieu de résonance, des échos d'informations, de la parole et de la connaissance, délicatement filtrés dans un atrium lumineux. Le filtre permet l'extension de l'agora au-delà des limites de l'atrium existant. Les dilatations, baignées de la lumière naturelle centrale, proposent diverses opportunités d'appropriation. En surplomb ou en retrait, délimitant partiellement ou complètement l'espace, ces sous-espaces créés présentent une richesse expérientielle et sensorielle pour l'utilisateur.
Autour de ce lieu se disséminent les éléments plus privés, les ''oikos'', ou foyers, constituant ici l'espace du noyau tel celui de la famille, de la maison. Ces lieux s'articulent à travers le réseau de connexions qu'est la place déployée, une vaste déambulation libre, ouverte et démocratique. La nature des foyers et leurs caractéristiques intrinsèques guident leur positionnement dans l'espace, gravitant entre noyau central et la périphérie urbaine, entre intimité et animation. L'usager peut alors, à travers ces espaces, évoluer, progresser, découvrir et interagir. La bibliothèque n'est plus ce lieu ostentatoire, mais un espace collectif où l'individu est libre de ses choix. Tous ont accès aux divers foyers, l'agora centrale agissant comme un vaste catalyseur de connaissances. Une présentation peut s'y tenir et l'usager, se sentant alors interpelé, pourra s'installer sur un des plateaux d'échange et participer à l'activité.
Dès le hall d'entrée, l'usager est plongé dans la vie communautaire reliée à la place publique. Croisant l'agora, il chemine par l'agrandissement, nouvel espace de diffusion, de lecture et d'apprentissage situé au-delà du périmètre actuel. Son parcours s'effectue ensuite via une série de va-et-vient entre l'agora centrale et l'enveloppe actuelle. Entre le niveau 1 et 2, un gradin de lecture, donnant sur la rue St-Joseph, contribue à l'animation de la rue, mais aussi à offrir une expérience spatiale différente aux usagers. Sur la rue du Roi, suspendu dans le vide au niveau 3, à l'image des escaliers cachés du quartier, un simple escalier métallique serti dans un écrin de verre prolonge l'espace au-dessus du vide avant de le ramener vers le centre. Ces parcours culminent vers les terrasses situées aux niveaux 3 et 4.
Telle une dilatation de l'agora centrale, l'enveloppe extérieure contient la nouvelle bibliothèque, contribuant à sa nouvelle identité. Il y subsiste alors un écho, un écho tangible à la mémoire des nombreux cordonniers et tisserands du quartier, mais également un écho de l'activité interne. Faisant sienne de l'histoire du lieu, elle se dématérialise ou se densifie selon l'activité intérieure dévoilée ou protégée.
Cela influence notre regard sur l'existant. La transformation de la bibliothèque est l'occasion de poursuivre l'histoire du lieu, d'y ajouter une strate dans l'histoire contextuelle. Notre travail est alors de catalyser les composantes du projet dans un bâtiment existant transformé, d'en faire une relecture à travers une architecture identitaire en dialogue avec l'histoire du lieu. Le lieu est ainsi reconstruit. Le grand mur de brique de la rue St-Joseph se retrouve désormais à l'intérieur. Ses portiques définissent maintenant de nouvelles alcôves de lecture et ses porte-à-faux spectaculaires se retrouvent suspendus au-dessus du foyer. On parle parfois de palimpseste pour un objet qui se construit par destruction et reconstruction successive, tout en gardant l'historique des traces anciennes. Le palimpseste est là. L'usager y trouve ses anciens repères, le nouvel usager y découvre l'écho d'un riche passé.
UNE BIBLIOTHÈQUE ÉFFICIENTE
Le positionnement judicieux des comptoirs d'information permet une accessibilité rapide et facile des usagers aux services. Agissant en noeud de distribution, ils sont des repères et points de contrôle permettant aux employés une opération simple et efficace. La bibliothèque est une bibliothèque efficiente, aux parcours réduits, aux ambiances confortables et favorisant les relations avec la clientèle. Elle est également un lieu de travail et d'échange entre les employés et usagers. Lieu d'échange et de culture, la bibliothèque devient lieu d'interconnexions. Interconnexions avec le monde, la ville, le paysage, le passé, interconnexions spatiales et visuelles des différentes fonctions internes.
UN LIEU D'AVENIR COLLECTIF
D'un point de vue environnemental, la bibliothèque doit être un lieu de diffusion et d'apprentissage. Elle porte notre regard face à l'environnement, riche témoin de nos aspirations, valeurs et sentiments. Que ce soit au niveau de l'aménagement des espaces extérieurs et intérieurs ou des systèmes et des ambiances, les orientations en développement durable s'articulent dans la vision de bien concevoir et de bien construire. Plusieurs stratégies sont alors mises en place et se présentent tout au long du processus de découverte, d'appropriation et de cheminement de l'usager. La stratégie de rénovation d'un immeuble existant afin d'en faire un lieu plus responsable doit s'articuler sur un ensemble de solutions, allant de la récupération de l'eau de pluie pour les toits végétaux à la roue thermique pour la récupération d'énergie, à l'intégration d'un mur solaire ou même le chauffage passif. Mais là où la bibliothèque doit jouer un rôle plus large c'est au niveau de la diffusion de ces stratégies, ainsi chaque composante est accessible et expliquée. La lumière naturelle est mise ici à contribution, augmentant le confort des usagers, permettant un meilleur contact avec l'environnement voisin, la fenestration est soigneusement étudiée afin d'optimiser la qualité des espaces intérieurs mais également afin de contribuer aux espaces extérieurs
Notre préoccupation face au développement durable est grande, dans un souci de pérennité du projet, mais aussi dans un souci de créer un projet inspirant pour la communauté. Dès lors, le projet doit également agir comme un vecteur de changement. La bibliothèque est maintenant lieu de vie, le troisième lieu. Ses activités ne se limitent plus à la simple diffusion, mais englobent la participation citoyenne. Ainsi, il serait pertinent d'étendre les activités de la bibliothèque à la création d'un toit jardin pouvant alimenter l'espace culinaire, voir même les organismes de bienfaisances avoisinants. L'introduction d'agriculture et d'apiculture urbaine, tout en adaptant simplement le concept architectural, permet de définir une véritable durabilité allant au-delà de l'architecture puisqu'elle engloberait la communauté.
UN LIEU D'INNOVATION
Que ce soit par nos réflexions mises de l'avant sur nos objectifs sociaux ou par notre approche architecture-usager, les innovations apportées au projet de transformation de la bibliothèque Gabrielle-Roy en feront un pôle identitaire significatif. La nouvelle bibliothèque s'inscrit dans son contexte urbain. Elle y répondra mais surtout elle en sera un acteur important. Elle contribuera à mettre en scène les lieux et les usagers en leur offrant divers parcours, foyers et lieux d'appropriation. Vérifiable réflexion sur la condition humaine, sur la condition d'une urbanité en mutation et sur son architecture, la nouvelle bibliothèque est ici à l'échelle des regards multiples et différents des usagers. Dans notre regard et notre compréhension des divers contextes composant le lieu nait un projet riche, stimulant, ouvert, où les limites brisées permettent la découverte, l'apprentissage et surtout l'appropriation d'un lieu par sa communauté.
Voilà le grand défi du projet de la bibliothèque Gabrielle-Roy, sans quoi l'espace aussi formidable puisse-t-il être ne sera pas approprié, utilisé à la hauteur de ce qu'il devrait.
(Tiré du texte du concurrent)
L/GA
2 .4.1- Le jury salue la volonté de conserver des traces du bâtiment actuel comme un geste de protection de la mémoire collective.
2.4.2- L'aspect fonctionnel des lattes verticales sur les façades extérieures est remis en question puisqu'elles n'auront aucune utilité pour réduire le gain thermique de la façade sud notamment. Il s'agit donc d'un élément essentiellement décoratif, mais qui grugerait une partie importante du budget pour l'enveloppe.
2 .4.3- Le traitement périmétrique de l'atrium, où l'on trouve à nouveau les lattes verticales, risque de créer un effet d'encloisonnement pour les usagers et de limiter les liens visuels entre les foyers. Cette intervention qui a une incidence budgétaire certaine apporte peu de bénéfices à la proposition.
2 .4.4- La circulation à l'avant de l'édifice n'offre pas une fluidité convaincante et ne semble pas être entièrement résolue ni maîtrisée. Son rôle (seul lien ouvert entre les niveaux 1 et 2) à travers une fonction d'animation risque d'être entravé et son efficacité réduite d'autant.
2.4.5- La localisation proposée pour la salle de diffusion aux niveaux SS1 et RC est inacceptable à plusieurs égards. D'une part, le foyer au niveau RC, attenant à l'entrée principale, risque de créer un engorgement et une confusion fonctionnelle. D'autre part, l'accès principal à la salle devrait se situer au niveau inférieur, ce qui n'est pas envisageable dans la proposition actuelle puisque les usagers devraient circuler dans le secteur administratif en dehors des heures de bureau.
2.4.6 La conservation d'éléments de maçonnerie provenant du bâtiment existant est une idée intéressante, mais son exploitation semble trop morcelée pour créer un impact réel. Les« vestiges , épars risquent de manquer d'unité pour réellement créer l'effet escompté.
2 .4.7- La proposition d'offrir une surface de projection à partir de la place est intéressante, mais la localisation actuelle permet très peu de recul, compte tenu de la présence de l'édifice Fresk.
(Tiré du rapport du jury)
26 numérisés / 26 accessibles
- Planche de présentation
- Planche de présentation
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- Perspective
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- Perspective
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- Plan d'implantation
- Plan
- Plan
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- Plan
- Plan
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- Coupe
- Élévation
- Élévation
- Élévation
- Détail de construction
- Axonométrie
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- Axonométrie
- Axonométrie
- Axonométrie
- Axonométrie
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