Les incinérateurs Dickson et Des Carrières participent, lors de leur création, au vent de changement que vit la Ville de Montréal dans le début des années 1900. Avec l'augmentation de la densité au sein de sa ville, celle-ci se dote d'infrastructures modernes, pour l'époque, dans la gestion des déchets. Il s'agissait alors d'un symbole fort d'innovation, d'où l'importance aujourd'hui de conserver cette architecture reflétant une histoire des plus riches, malgré son caractère architectural replié et imposant.
Contrairement à chacun de ces bâtiments, semblant être figé dans le temps, le quartier environnant, quant à lui, s'est grandement métamorphosé. Il y a donc une déconnexion claire entre les sites de Dickson et Des Carrières du reste de leur voisinage, qui se composent désormais d'une imposante densité résidentielle. Cette disjonction entraîne un abandon accéléré de ces espaces. Alors qu'ils ne trouvent plus fonction, ils deviennent à leur tour un déchet de la Ville, un endroit clos, sombre et redouté.
Pour leur rendre honneur, il semble essentiel de remettre ces entités sur la carte, en les rendant utilisables et surtout, en retrouvant leur caractère novateur qui les distinguait et qui ont fait leur renommée. Cette innovation permettait auparavant de rendre salubre la ville de Montréal qui commençait à s'envelir elle-même de ses déchets.
Aujourd'hui, la pollution reste une problématique bien importante, mais pour d'autres raisons. Avec la densification de la ville, les terres servant à cultiver ont peu à peu disparu et l'approvisionnement en nourriture est devenue de moins en moins locale. Le réseau de transport des marchandises s'est alors multiplié en même temps que la nature s'est effacée. De même, cette décentralisation de la production locale a permis de créer des milieux complètement résidentiels avec quelques parcs de plaisance parsemés dans les quartiers. Alors que les sites abandonnés se comparent à des espaces dont on oublie l'existence, le projet « Impérissable » les remet au coeur de la communauté et au centre des activités.
Le principe consiste en la création de serres préfabriquées se composant d'un système électronique d'abaissement des bacs de plantation, d'un éclairage de LED horticoles, d'un système de chauffage et d'un système de filtration de l'air individuel alimentés par une multitude de panneaux solaires en toiture, d'une batterie emmagasinant l'énergie au sein même de la structure et d'espaces de travail pour les futurs jardiniers. La préfabrication en un seul module des serres permet à la Ville de Montréal de s'équiper d'une seule prémisse pour participer à la résolution du problème d'abandon de certains sites historiques. Ces serres économiques, pouvant être louées aux habitants à travers les années, apportent un gain monétaire qui assure la pérennité du bâtiment dans de bonnes conditions. Par leur forme simple, on peut imaginer ces modules évoluer à travers les années, au même rythme que le quartier environnant. Peut-être certains serviront-ils d'espaces de pratiques de musique, de co-working ou même de laboratoires futuristes, tous adaptés à l'époque dans laquelle ils perdurent. Pour lier chacune de ces serres et pour percer la carapace privée des incinérateurs, une promenade légèrement surmontée amène le public à travers le bâtiment, à la rencontre de l'innovation du passé et du futur.
Alors que les incinérateurs étaient encore en fonction, ils ont largement contribué à la pollution des sols et de l'air environnants. Pour remédier à cela, les terrains sur lesquels ils se trouvent sont transformés en parcs dont pourront profiter les habitants des quartiers voisins. Bien que le sol soit fortement pollué, la déminéralisation de ces friches et l'implantation de végétation permettront de réduire leur contamination.
Ironiquement, les incinérateurs sont devenus à leur tour des déchets dont il est difficile de se débarrasser. « Impérissable » propose de donner un second souffle à des bâtiments industriels laissés à l'abandon dans l'esprit que les incinérateurs Des Carrières et Dickson sont des ressources à réutiliser plutôt que des déchets. Ces bâtiments, au riche passé, méritent d'être revalorisés, puisqu'ils symbolisent une méthode de gestion des déchets maintenant révolue à Montréal. Nous voilà maintenant de retour à une époque où nous tentons de boucler la boucle en matière de gestion des déchets. C'est pourquoi il nous a semblé évident d'insuffler une nouvelle vie à ce bâtiment industriel obsolète, vestige d'une autre époque. Alors que ce bâtiment était l'apothéose d'une économie linéaire, il devient maintenant notre point de départ à l'heure d'une économie circulaire. En ne considérant plus les incinérateurs comme des déchets, mais plutôt comme des ressources à recycler, la fonction de cette structure n'est plus celle de polluer mais plutôt d'insuffler de la vie aux quartiers environnants.
(Tiré du texte du concurrent)
De toutes les propositions déposées par la relève, deux d'entre elles se taillent une place ex aequo en mention spéciale du jury pour leur forte thématique nourricière, ayant une portée universelle, et leur réflexion sur l'implication du public au sein de leur nouveau programme. La proposition intitulée IMPÉRISSABLE a retenu l'attention du jury pour la clarté de son approche, consistant à transformer le site à l'aide d'une industrialisation douce, tout en prenant partie des qualités de la standardisation et du potentiel de la reproduction de la solution des serres préfabriquées assistées par une abondante technologie.
(Tiré du rapport du jury)
3 numérisés / 3 accessibles
- Planche de présentation
- Perspective
- Plan d'implantation