Face aux défis du monde contemporain, les populations urbaines sont constamment en quête de solutions innovantes permettant d'améliorer leur qualité de vie. Trop souvent, il est compris que l'atteinte d'une meilleure qualité de vie passe nécessairement par le développement du territoire. Or, cela vient avec son lot d'externalités négatives : embourgeoisement, augmentation de la consommation, augmentation des écarts de richesse, etc. Il devient alors nécessaire de repenser les espaces et de voir au-delà du développement. Nous avançons le postulat suivant : dans le contexte actuel, l'amélioration de la qualité de vie passe aussi par la décroissance. Notre projet tente donc de repenser la reconversion des espaces en abandonnant l'impératif de croissance : il est également possible de combler un besoin en maintenant un vide. L'histoire des incinérateurs Dickson et des Carrières s'inscrit dans cette mouvance. Depuis leur fermeture, plusieurs projets de reconversion y ont été proposés, mais aucun n'a vu le jour. En raison des coûts élevés de démolition et de décontamination, la ville de Montréal a suivi le chemin de moindre résistance : l'inaction. Résultat, les deux bâtiments sont devenus des emblèmes dépérissants du paysage montréalais, rappelant également le passé industriel de la ville et l'histoire de la gestion des déchets en milieu urbain. Bien qu'ils représentent un potentiel de développement inédit, la nécessité d'une telle démarche doit être questionnée. Peut-être qu'après tout, l'inaction n'était pas une si mauvaise idée...
Cette inaction pose cependant le problème de l'inaccessibilité du site et de sa dégradation. Ces éléments servent alors de genèse à la mise en place d'un nouveau dispositif architectural. Son but : s'approprier le vide sans le meubler, en s'immisçant dans la ligne du temps des bâtiments. En temps et lieu souhaite ainsi réaffirmer l'identité des bâtiments en plus de redonner l'espace à la communauté. Cette identité s'articule autour de deux thèmes : évolution et continuité. Évolution, pour refléter les différents usages à travers le temps; continuité, pour rappeler la volumétrie iconique des tours dans le paysage montréalais. La question de temporalité est alors centrale. L'évolution des bâtiments et de leurs usages est illustrée en trois tableaux allant d'un futur proche à un futur lointain. Avec le temps, les bâtiments se dégradent, laissant graduellement la place aux ruines, mais leur mémoire demeure par l'installation d'un voile d'acier. Un vide se crée donc naturellement sur le site, mais celui-ci conserve une certaine continuité alors que les contours emblématiques des tours demeurent ancrés dans le paysage, permettant un chevauchement des époques. Le maillage d'acier crée un surplus visuel qui permet aux bâtiments de retrouver de nouvelles singularités et d'accompagner leur vieillissement alors que l'accumulation des patines rend compte de l'évolution de l'oeuvre au fil du temps. On assiste ainsi à un mélange du moderne et du contemporain, rappelant que l'identité des bâtiments est en constante construction.
Différents usages ainsi que leur évolution à travers le temps sont imaginés à l'extérieur des bâtiments, tandis que leur intérieur demeure intouché. À l'incinérateur des Carrières, un atelier de réparation d'objets et de troc est installé, de manière à conserver l'identité passée du site, mais de façon plus durable, tout en s'inscrivant dans une démarche de décroissance. Dans une seconde temporalité, le site vit la nuit : des projections de films sur une façade sont organisées de façon à renforcer les liens au sein de la communauté et à faire rayonner la culture d'ici et d'ailleurs. Une grande importance est laissée à la végétation, notamment à Dickson, considérant le peu d'espaces verts dans l'arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve. Sur ce site, des espaces de contemplations sur le toit sont aménagés afin d'offrir un espace de pause et de socialisation pour les membres de la communauté. Au fil du temps, les bâtiments deviennent ruines. À Dickson, les débris tombés, tels des flocons de neige, habitent le site et servent de jeux officieux pour les enfants. Finalement, les deux sites finissent par être réabandonnés. La brique et le béton font place à la végétation, mais la mémoire des incinérateurs est préservée par l'acier. Le souvenir du patrimoine est ainsi conservé, en temps et en lieu.
(Tiré du texte du concurrent)
3 numérisés / 3 accessibles
- Planche de présentation
- Perspective
- Perspective