Une bibliothèque pour la ville
Le concours pour la bibliothèque Marc-Favreau dans l’arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie arrivait à point pour franchir une étape importante de la régénération du site des anciens ateliers municipaux. Ce terrain d’un seul tenant, le long du rail, était occupé par des installations de travail, à l’écart des habitations, interrompant le tissu régulier de la ville. À la fin des années 80, une consultation publique dégageait une vision concertée proposant un changement de vocation pour ce grand territoire. Le terminus d’autobus, la station de métro et l’édifice Art déco de 1932 définissaient un espace civique potentiel; le reste du site serait dédié à une occupation résidentielle.
En 1990, au coin de Saint-Denis et des Carrières, un premier ensemble de 150 logements était construit par l’Office municipal d’habitation de Montréal. C’est à la suite de la consultation publique de 2006 que l’idée d’un front civique sur la rue Rosemont se précise. Un plan d’ensemble est élaboré. Il oscille entre super îlot et prolongement de la trame des rues avec des immeubles plus hauts au pourtour du site et un aménagement paysager au centre. Le projet du promoteur Rachel et Julien conçu par la firme Cardinal et Hardy avec ses 335 logement concrétise ce plan et marque avec robustesse la bordure est du site, le long de la rue St-Hubert. On attend la composition de la place ou de l’édifice important qui se logera à l’ouest, à l’angle St-Denis et Rosemont, sur le parvis de la station de métro.
C’est en 2007 que la Ville de Montréal dévoile le projet de l’édification d’une nouvelle bibliothèque à vocation familiale renforçant ainsi l’accès de la population aux livres, le quartier étant identifié comme l’un des plus mal desservis de la municipalité. On sortirait enfin de « la petite noirceur » comme l’évoquait le maire de l’arrondissement de l’époque. En 2008, le nom de la bibliothèque et celui du parc contigu sont communiqués au public. En hommage à « Sol et Gobelet », la bibliothèque adopte le nom de Marc-Favreau et le parc celui de Luc-Durand.
Au cours de l’été 2009, un concours en deux étapes est lancé. La première étape consistait à sélectionner sur dossier, sans présentation d’esquisse, quatre équipes finalistes, équipes pluridisciplinaires incluant ingénieurs et estimateur. La proposition devait répondre aux exigences de certification LEED et le budget était fixé à 7 564 000 $.
Quatre principes d’aménagement « avant-gardistes » étaient mis de l’avant : la vocation familiale de la bibliothèque (distinguer adultes, adolescents et enfants), l’intégration des nouvelles technologies de l’information, la qualité du design, le développement durable.
À l’issue de la première étape, les quatre équipes retenues étaient : Corriveau Girard et Éric Pelletier, architectes ; Dan Hanganu, architectes ; les architectes FABG ; Manon Asselin, architecte et Jodoin Lamarre Pratte, architectes en consortium. Le jury, présidé par Mario Saia, a entendu les finalistes le 15 décembre 2009 et a délibéré le lendemain. Le rapport du jury témoigne de la discussion attentive des membres du jury. Il est très instructif quant au poids relatif accordé aux principes d’aménage- ment et aux critères d’évaluation qui sont tous couverts. D’une manière plus générale, on peut dire que la discussion se structure d’une part, autour des critères reliés à la forme et au programme et, d’autre part, autour de ceux recoupant les aspects techniques. Les commentaires sur la forme architecturale sont plus subjectifs, tandis que ceux qui concernent la réalisation technique cherchent à être plus objectifs. Si on s’accorde pour donner à la question de l’espace public un poids important dans le choix du jury, le projet de Dan Hanganu devient alors plus évident.
Le projet de Dan Hanganu n’a pas été composé comme un corps architectural unique, déployant une spatialité intérieure et des parcours modelés par la traversée des volumes et de la lumière. La composition est ici plus urbaine. Elle associe ensemble plusieurs éléments, dont l’édifice existant. La démarche pourrait être qualifiée de composition hétérotopique. La figure est construite par la création d’un deuxième front alternant opacité et transparence, face à l’espace de la station de métro, en équerre par rapport à l’édifice existant, et se pliant légèrement vers l’ouest. Le lien avec l’existant se fait par une entrée bien marquée sur Rosemont, dans l’alignement de l’édifice Art déco. L’intérieur de l’équerre se déploie en une promenade vers un volume vitré associant l’extérieur à l’intérieur, la bibliothèque et le parc. Cette approche, qui doit autant à Alvar Aalto pour sa composition sensible qu’aux inflexions contextuelles des modernes régionalistes pour sa forme, a le mérite de bien démontrer qu’un petit projet peut contribuer à construire la grande ville.
L'arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie a lancé, le 9 juillet 2009, un concours d'architecture à l'échelle du Québec pour la construction de la nouvelle bibliothèque Marc-Favreau.
La bibliothèque sera construite sur le site des anciens ateliers municipaux qui est situé au sud du boulevard Rosemont jusqu'à la rue des Carrières, entre les rues Saint-Denis et Saint-Hubert. Un parc nommé en l'honneur du comédien Luc Durand sera aménagé non loin de la bibliothèque sur le site appelé à recevoir quelque 500 logements, dont deux projets de logements communautaires et un projet de condos.
Cette bibliothèque, qui intégrera l'actuel bâtiment d'intérêt patrimonial du 700 Rosemont, est l'un des éléments centraux de la revitalisation de ce secteur appelé à devenir un modèle d'aménagement urbain axé sur la famille, la mixité sociale et le développement durable.
(Tiré des documents de concours)
Après avoir tenu des discussions d'une durée équivalente pour chacun des quatre projets, les membres du jury ont d'abord procédé à l'élimination du projet de MA JLP en raison des points négatifs précédemment cités.
Par la suite, les projets de CG EP, FABG et DH ont fait l'objet de comparaison sur plusieurs des points cités et suscitent tous un grand intérêt pour différentes raisons. Il a été convenu que sur les six derniers critères d'évaluation au règlement du concours (énumérés au point 2.0 du présent rapport) les trois finalistes en lice ont démontré de bons éléments de réponse en regard de ces critères et que les prochaines discussions porteront sur les quatre premiers critères énoncés.
Après maintes discussions et arguments, le jury a poursuivi ses discussions avec les projets de CG EP et DH en laissant de côté celui de FABG pour les principales raisons suivantes:
•Le traitement de la façade sur la rue Rosemont ne met pas l'agrandissement en valeur ni le 700. Cette façade semble plutôt être en compétition avec le 700.
•L'entrée principale manque de définition.
•Les lignes pures des dessins présentés seront complexifiées par le développement de détails assurant une bonne enveloppe thermique.
•Le rapport de la CT dénote des risques financiers accrus du projet.
•Ce projet suscitera de vives appréciations positives, mais également de vives réactions négatives. Son vieillissement dans le temps est questionné.
Après d'intenses discussions, les membres du jury ont unanimement voté pour le projet de Dan Hanganu architectes au titre de lauréat du concours pour les raisons suivantes :
•Montréal veut se positionner comme une métropole du design reconnue mondialement. Les bibliothèques auront un rôle important à jouer sur ce point. Elles devront mettre de l'avant le savoir, la culture et l'innovation. Ses orientations sont senties dans le projet DH.
•La rencontre de la transparence encadrée des deux masses de maçonnerie, soient le 700 et le coffre est appréciée par le Jury. L'utilisation de la maçonnerie a un effet rassurant et favorise l'appréciation positive de la population. Ses espaces transparents s'ouvrent sur le monde, contrairement au projet CG EP qui présente une façade presque muette sur la rue Rosemont. La lanterne du projet DH constitue la vitrine culturelle souhaitée dans les grandes orientations de la Ville du design, le tout supporté par SOL, via l'imposante colonne du parvis.
•L'implantation du projet DH est mieux adaptée à la trame urbaine et au site que le projet CG EP. Il faut concevoir qu'un parc en milieu urbain doit être entouré d'une multiplicité d'occupants. En prenant moins d'espace adjacent au parc, le bâtiment proposé par DH permet la présence d'un plus grand nombre d'occupant. Le projet CG EP occupe une grande part des abords du par cet ne respecte pas la densité du secteur.
Le jury appuie le rapport de la Commission technique et souligne que dans le cadre d'un concours d'architecture, le concepteur n'a pas de lien personnel avec le donneur d'ouvrage. Cela peut favoriser certaines interprétations nuancées du programme. Suite au concours, le concepteur et l'usager pourront finalement s'asseoir à la même table et procéder à quelques ajustements, sans bien sûr dénaturer le concept. Tous les finalistes ont manifesté le désir de faire évoluer leur projet en étroite collaboration avec le donneur d'ouvrage. Le jury souligne les recommandations suivantes pour la suite du développement du projet lauréat:
•Afin d'arrimer les espaces intérieurs au PFT, le concepteur devra les coordonner de concert avec le donneur d'ouvrage.
•DH devra s'assurer que tous les planchers auront la capacité portante adéquate pour une bibliothèque.
•Le volume sans nom derrière le 700 devrait être mieux défini.
Les membres du jury ont tous signé la désignation du lauréat à la fin de cette journée de délibérations, laquelle vous a été remise le 17 décembre dernier.
(Tiré du rapport du jury)