Franchir le mur de la maladie mentale
Dans cette mise à jour de la rentrée universitaire 2008-2009, le LEAP propose de redécouvrir deux concours complémentaires organisés par l’agence Urban Strategies de Toronto. Deux évènements qui n’ont peut-être pas bénéficié du rayonnement qu’ils seraient en droit d’attendre concernant une problématique aussi délicate que celle de la maladie mentale.
Ces deux concours ont été organisés pour le compte du
Centre For Addiction and Mental Health avec l’aide d’
Urban Strategies en 2001 puis en 2003. Outre les spécificités du programme, c’est surtout le caractère d’un site situé en plein centre-ville de Toronto qu’il faut signaler comme un des enjeux majeurs de ces consultations. Une enclave vieillissante risquant à tout moment de stigmatiser un lieu de réclusion des indésirables que nos sociétés urbanisées ne sont pas prédisposées à accueillir, plutôt à enfermer.
Vénérable institution datant du milieu du XIXe siècle, portant alors le nom évocateur et inquiétant de
Toronto Lunatic Asylum (Asile de fou de Toronto), elle est aujourd’hui affiliée au Centre Hospitalier de l’Université de Toronto. Le
Centre for Addiction and Mental Health désirait, pour le moins, s’ouvrir sur la ville et sur le monde afin que les nouvelles approches psychiatriques bénéficient d’un environnement actualisé.
Urban Strategies a choisi une formule de consultation permettant d’interpeller aussi le grand public. Le premier concours visait un plan d’ensemble à soumettre au Ministère de la Santé et des Soins à long terme. Le deuxième concours, celui du
Wall, avait pour objet de qualifier symboliquement et artistiquement les limites de la propriété. Classé monument historique par les autorités torontoises, le mur était appelé à devenir un seuil et en quelque sorte un évènement public.
Remporté, en ce début du XXIe siècle, par le
Community Care Consortium (Kuwabara Payne McKenna Blumberg Architects/Montgomery Sisam Architects Inc./Kearns Mancini Architects Inc.), le concours du
Centre for Addiction and Mental Health ouvrait la voie à une vaste réflexion sur la place des lieux de soin en milieu urbain. En cette période où Montréal s’interroge de façon laborieuse sur les deux mégahôpitaux qui verront le jour dans les prochaines décennies, certains décideurs et certains commentateurs gagneraient peut-être à faire un séjour prolongé à Toronto.
Le concours pour le Centre de toxicomanie et de santé mentale a été lancé le 3 août 2001 dans le but d'obtenir une série de propositions sur le développement de leur propriété connue sous la dénomination « 1001 Queen Street West ». Déjà, en 1999, le conseil des fiduciaires avait la volonté de créer un centre des activités de l'institution. La firme torontoise Urban Strategies Inc. avait alors travaillé de pair avec le conseil de façon à concevoir un plan d'ensemble ayant été primé pour cette vision. C'est donc sur ces bases que les quatre équipes participantes ont développé leurs idées pour le plus grand projet dans l'histoire des hôpitaux psychiatriques au Canada.
L'intention était de sélectionner une équipe afin de réaliser le plan d'ensemble final de la propriété de 27 acres située à l'ouest du centre-ville. Les installations, en plus de s'intégrer aux activités du quartier, devaient être conçues de façon à pouvoir s'adapter aux changements de besoins de ce type d'institution. Il s'agissait aussi d'une bonne occasion de donner une nouvelle image à ce site, ayant été occupé par un asile psychiatrique pendant 150 ans.
À ce sujet, le directeur du Centre de toxicomanie et de santé mentale, Paul Garfinkel, affirme dans l'édition de septembre 2007 de Canadian Architect qu'il est particulièrement important que les gens y soient traités respectueusement et dignement. Cela se fera d'abord, selon lui, par la création d'un village urbain dans lequel toutes les échelles, de l'intégration dans la ville à l'espace de la chambre, seront travaillées. De plus, par cette attitude, il sera possible de libérer le site des souvenirs négatifs du passé de la psychiatrie en envisageant une plus grande considération de l'individu et de l'environnement dans lequel ce dernier effectue son séjour.
L'article de John Bentley Mays mentionne aussi l'intention de parsemer les lieux de traitement parmi les autres structures n'appartenant pas au programme du Centre, comme le suggère l'urbanisme de quartier de Jane Jacobs et les réformateurs des hôpitaux, qui désirent voir ce type d'institution partager de plus grandes relations avec leur environnement urbain immédiat.
Des quatre équipes rémunérées pour participer à cette phase, l'équipe gagnante, formée du consortium des bureaux Kuwabara Payne McKenna Blumberg Architects, Montgomery Sisam Architects Inc. et Kearns Mancini Architects Inc. Allait obtenir le contrat afin de compléter le plan d'ensemble pour le soumettre au ministère de la santé et des soins à long terme.
(Texte CCC)