Verdir en ligne
Lancé en 2012 par l’organisme Workshop Architecture à Toronto, le concours
Green Line — Vision s’inscrit dans la série d’opérations de remise en valeur organisées depuis près d’une décennie. Cette fois, dans un esprit d’idéation, des équipes composites de designers et de citoyens ont été conviées librement pour imaginer le paysage de la ligne électrique aérienne qui traverse la ville de Toronto, et crée au sol un possible parc linéaire à verdir, et surtout, à faire devenir.
Les concurrents devaient imaginer une utilisation innovatrice de cet espace d’une longueur de cinq kilomètres afin d’en révéler le potentiel. Les organisateurs anticipaient l’implantation d’un programme constitué d’un lien piéton et cyclable entre les quartiers disposés le long de la
Green Line, et d’une série d’espaces communautaires et récréatifs (à définir). Un soin particulier devait être accordé au développement durable ainsi qu’à la nécessité de réaliser le projet en étapes successives. À cet égard, la formation d’équipes pluridisciplinaires était encouragée en vue de formuler des propositions équilibrées tant sur le plan de l’urbanité, de la durabilité que de la logistique. Par ce concours d’idées en deux volets (dont nous présentons le premier dans cette mise à jour du
CCC), il était précisé clairement que les idées récoltées ne seraient pas immédiatement réalisées, mais qu’elles seraient assemblées pour former un catalogue de possibilités, accompagnant les Torontois dans une réflexion sur l’avenir d’un espace urbain de grande ampleur.
Parmi les 62 projets reçus pour le volet
Vision certains proposent évidemment des solutions d’aménagement, en accord avec les attentes élémentaires du concours, mais d’autres se sont risqués sur des avenues énergétiques ou même de rentabilité en débordant largement du programme initial. Dans presque tous les cas, cependant, les équipes se sont attachées à l’aménagement d’un parc linéaire. Fait remarquable, plusieurs projets font littéralement abstraction de la présence, pourtant imposante, de l’infrastructure électrique, et n’en proposent aucune utilisation particulière. Dans cette catégorie, on classera par exemple le projet de Bradt, Wisniewski et Halladay, qui propose de tisser la nature dans la ville et de préserver les écosystèmes du site, sans véritablement s’adresser à la ligne électrique. Mais on verra également que le projet lauréat, de Gabriel Wulf, imagine, lui aussi, un parc urbain très végétalisé, sans véritable prise de position critique en regard de la présence majeure de l’infrastructure électrique, comme s’il ne s’agissait que d’un simple jardin. Les projets d’aménagement qui ont tenté de dialoguer avec le caractère « électrique » et technologique du lieu en cherchant de nouveaux usages ont généralement cherché à insuffler une ambiance autre comme pour conférer un caractère spécifique à la
Green Line. C’est le cas de la proposition de Justin Hui, intitulée
Light Corridor, dans laquelle l’électricité est utilisée pour générer une expérience urbaine par l’installation de dispositifs lumineux, ou encore la proposition de Duarte Aznar, Marin Trejo, Gomez Arana, Estudillo Robleda et Parra Roca, intitulée
The Green Light, qui projette des corridors lumineux créés pour relier les quartiers de la ville.
Contrairement au choix du jury, c’est peut-être du côté des solutions énergétiques et financières qu’il fallait se pencher pour trouver des utilisations judicieuses et riches en idées de cette infrastructure électrique. La proposition de
Windmills Developments et de Susan Speigel Architect, intitulée
Power Play, utilise les pylônes électriques pour y accrocher des éoliennes et des panneaux photovoltaïques afin de générer de l’électricité propre, dont la vente permettrait d’assurer le financement nécessaire à l’entretien du parc urbain créé sur la
Green Line. Ce genre de projet est un véritable plan d’affaires qui, sans proposer d’aménagement, semble de nature à inscrire le projet de paysage dans un projet économique.
Dans l’attribution du premier, deuxième et troisième prix, le jury a somme toute confirmé l’importance de la pluridisciplinarité des équipes, telle qu’elle était mentionnée dans le programme. Il semble que le jury a longtemps hésité à se saisir de la liberté offerte par le principe même du concours d’idée. Devait-on privilégier une solution d’aménagement à l’usage immédiat des Torontois, ou une solution financière tirant parti de l’infrastructure électrique afin de permettre à un éventuel projet d’aménagement de se réaliser avec succès ?
Le jury n’a pas tranché puisqu’il a désigné comme lauréats trois équipes, en proposant de composer leurs solutions respectives pour former un même projet hybride. Dans cette optique, la proposition de Gabriel Wulf fournissait le plan d’ensemble et la stratégie de gestion, misant sur l’implication de la communauté torontoise dans le développement des espaces communautaires le long de la
Green Line. La proposition de
Windmills Developments et de Susan Speigel Architect fournissait quant à elle le plan d’affaire assurant la rentabilité financière du projet, tandis que la proposition d’Antti Auvinen, lauréat du troisième prix, fournissait paradoxalement la forme même du projet à construire.
Étrange conclusion d’un concours pourtant riche en idées, témoignant peut être de la difficulté à laisser le temps nécessaire au débat plus encore qu’à l’imagination. Le fait d’imposer aux concurrents de composer des équipes pluridisciplinaires dès le début du concours aurait-il permis d’obtenir des solutions mieux intégrées ? Difficile à dire, mais une chose est sûre, l’ouverture du concours à des concurrents provenant de disciplines multiples aura justement permis de soulever une multitude d’enjeux montrant, si nécessaire, que la ligne virtuelle tracée par un programme de concours est aussi faite pour être dépassée par les projets.
Lancé en décembre 2012 par Workshop Architecture à Toronto, la Green Line Ideas Competition invite les architectes, architectes paysagistes, urbanistes, artistes et membres de la communauté à élaborer une vision d'ensemble pour l'appropriation publique d'un corridor hydroélectrique de 5 kilomètres, s'étendant de Davenport Village au quartier Annex à Toronto.
Avec plus de 75 soumissions de projets, la Green Line Ideas Competition vise à démontrer le potentiel du site occupé par le corridor hydroélectrique et à encourager un débat sur l'usage public d'espaces analogues dans d'autres villes nord-américaines.
En engageant les membres de la communauté dans un processus de conception urbaine, ce concours d'idées est composé de deux volets. Le premier demande aux concurrents de proposer une vision d'un fragment d'infrastructure pourrait être transformé en un espace public exemplaire. Le jury recherche des projets qui vont:
- Définir une vision globale de la Green Line à travers son territoire varié;
- Identifier des solutions de conception pour une cohabitation sécuritaire et continue entre les piétons et les cyclistes sur l'ensemble du territoire de la Green Line. Des suggestions pour un jonction au réseau cyclable de la ville de Toronto sont un atout;
- La Green Line devrait être considérée à la fois comme une série d'espaces communautaires et comme un lien physique et psychologique à travers la ville;
- Étant donné que ce corridor traverse des quartiers qui ont peu d'espaces verts, les concurrents sont invités à réfléchir aux moyens de tirer le meilleur parti de l'espace offert par ce corridor sept jours par semaine, tout au long de l'année;
- Les propositions devraient être durables et fournir un cadre pour l'implantation progressive des différentes sections.
D'autre part, le deuxième concours amène les concurrents à proposer une conception améliorée de l'intersection du chemin de fer souterrain vis-à-vis Dovercourt Road et l'avenue Geary. Le design pourrait être un prototype pour les huit passages souterrains le long du parcours de la Green Line. Les critères de ce deuxième concours sont les suivants:
- Fournir un design détaillé dans le but d'améliorer la sécurité et la mobilité des piétons, cyclistes et automobilistes;
- Établir une connexion physique, visuelle et/ou psychologique améliorée pour la Green Line;
- Concevoir un design pour ce lieu qui puisse également servir de modèle pour les huit autres passages souterrains le long de la Green Line;
- Les propositions pour le second concours devraient être réalistes et réalisables. Les solutions réalisées avec un budget modeste pourraient être préférées.
Mme Helena Grdadolnik, directrice associée chez Workshop Design et organisatrice du concours, voit le concours de la Green Line comme un moyen d'éveiller l'imagination du public et de convaincre la ville d'élaborer un plan directeur pour guider les futurs investissements dans la création d'espaces publics. «Imaginez nos infrastructures électriques comme une Green Line; un lien continu pour les piétons et les cyclistes traversant le centre-ville ainsi qu'un espace public et des équipements récréatifs pour les nombreux quartiers de Toronto qui y sont reliés», affirme Mme Grdadolnik.
(Texte CCC)
Green Line Ideas Competition, Canadian Architect, 2012
Green Line Ideas Competition winners announced, Canadian Architect, 2013
Lloyd Alter , Toronto's Green Line Competition Winners Announced, 2013, treehugger
Spacing, The Green Line — introducing an ideas competition for Toronto’s midtown hydro corridor — walk along it with Shawn Micallef, SpacingToronto, 2012
Alex Bozikovic, The Green Line: how Toronto urbanism moves forward, 2012, No mean city - The world of architecture as seen from Toronto
Christopher Hume , Dreaming of a High Line on Toronto’s Green Line, The Star, 2012
Competition for Toronto's Green Line launches, ReNew Canada The Infrastructure Magazine, 2012
JOHN LORINC, What to do about Toronto’s neglected green spaces, The Globe and Mail, 2012
Ellen Gedopt, Small Urban Spaces: The Green Line Toronto, 2012
TERRI COLES, Competition Seeks Ideas for Turning a Downtown Hydro Corridor Into an Urban Oasis: A local architecture firm is trying to spark discussion about developing a "Green Line" for Toronto., Torontoist, 2013
Lloyd Alter , Ideas Competition Proposes the Green Line, a Linear Park on a Toronto Transmission Right-of-Way, TreeHugger, 2012