Ma cabane (internationale) à l’est du Canada
Du folklore de la petite maison canadienne au concept de la cabane idéale mondiale, ce sont pas moins de 57 variations qui ont été conçues pour l’un des rares concours organisés depuis le Nouveau-Brunswick. Lancé au début de l’année 2014, par l’organisme
Community Forests International (CFI) , le concours
Blur the lines — Cabin Design Challenge fût ouvert internationalement à tous les architectes, artistes, passionnés de nature et bricoleurs en tout genre sur le thème de la cabane idéale. Seule contraintes : dix-sept mètres carrés sur un site forestier de 235 hectares en bordure de Sussex au Nouveau-Brunswick. Pour CFI, ce concours voulait inaugurer l’établissement d’un campus d’innovation rural.
La cabane est-elle avant tout un abri, par définition indissociable de son environnement, ou se présente-t-elle comme un objet formel, dont les qualités ne se jugent que par sa conception ? Comment s’insère-t-elle dans la forêt afin de devenir le lien entre l’humain et cette dernière ? Enfin, comment retranscrire de manière tangible ces paramètres afin d’en faire un projet réaliste et réalisable tout en rationalisant ces coûts ?
Parmi les projets écartés, plusieurs affichèrent un parti relativement clair évoquant tour à tour : l’osmose avec la nature, l’ingéniosité technique, les préceptes ancestraux, la rationalité, etc. Certaines de ces orientations ont peut-être pris le pas sur d’autres aspects jugés importants. La proposition d’Alessandro Cascone & Luca Preziosa, par exemple, est très orientée sur la composition de la forêt et la mise à contribution des sens. Il en résulte une construction multi étagée à l’apparence complexe dont l’aspect constructif est moins développé. À l’inverse, le projet
Wrap it Up de Kyle Reckling & Kevin Jele se révèle un modèle de rationalité, développé selon les dimensions des matériaux standards, mais qui ne nous en apprend finalement peu sur ce que peut être la cabane aujourd’hui en dépit d’un budget et de schémas détaillés, prêts à construire, mais sans rapport à la forêt, telle une cabane en kit à l’implantation libre. Les mêmes remarques s’appliquent à
Helios Cabin, de Nizar Neruda où le contexte est cette fois littéralement évacué des représentations graphiques. Certains projets, comme les sphères de Jean C. I. Wang, semblent en adéquation avec un contexte forestier, sans prendre en compte le contexte géographique canadien et ses hivers contraignants.
Le projet de Kyle Schumann & Katie MacDonald, a reçu une mention spéciale pour sa capacité à innover à partir d’un besoin simple et élémentaire : le stockage du bois de cheminée. Le traitement de la cabane repose sur l’interprétation d’un besoin concret qui ordonne une esthétique camouflée, à l’image d’un grand tas de bois. Le besoin et l’usage ont ici contribué à définir la forme.
Acadian Abstraction, de Belle Stone & Jeffrey Sullivan, a remporté le second prix. Ce projet s’est distingué par le soin apporté au site. Les interactions et les liens visuels entre l’occupant et son environnement exacerbés par un grand patio offrant une vue ouverte à l’avant et des fragmentations sur les côtés. Cette inclusion périphérique du contexte se développe verticalement, le ciel et la canopée faisant l’objet de deux ouvertures. Avec ce projet, souligne le jury : « (il est) possible de dormir à la belle étoile, peu importe le temps, où le moment de l’année ; vous vous retrouvez à savourer la nature sans abandonner votre confort ! »
Le projet lauréat,
The Whaelghinbran Cabin de Nathan Fisher fut, pour le jury, le seul à véritablement générer une harmonie entre le concept de la cabane et son inscription dans le contexte local. La forêt est traitée comme un partenaire de jeu, avec lequel on interagit de façon en tout point respectueuse. La cabane, modèle de rationalité et d’efficacité constructive — détail et coûts à l’appui — s’implante avec le minimum d’empreinte. Le contact avec le sol est réduit à quatre points d’appui — conçus à l’aide de supports pour caravane — n’affectant ainsi jamais durablement le tapis forestier. Ce système contribue à une lecture nomade de la cabane à l’image des
wigwams de l’Est canadien. Ne nécessitant pas de démontage, la construction peut être déplacée sur un traîneau ou une remorque par la force animale, permettant la régénération des sites entre des périodes d’utilisation rythmées par les saisons. Cette relecture des coutumes aborigènes ancestrales se fait au travers d’une pensée constructive moderne, proposant, au dire du jury, des solutions en adéquations avec les ambitions de
CFI. Des ouvertures sur les quatre faces de la cabane, une large baie vitrée — que l’utilisateur est invité à diriger au sud — devraient offrir des transitions renforcées par la présence d’un réel espace extérieur conçu pour être utilisé et non comme uniquement transitoire. Il s’agissait au demeurant d’un des rares projets offrant une telle option. Au final, cette cabane lauréate présente une configuration standard, sans véritable excentricité et c’est peut être aussi ce qui a séduit le jury.
Ce concours a reçu de nombreuses propositions intéressantes en particulier sur le plan de la variété. Il reste que si de nombreux concurrents semblent avoir été stimulés par l’envie de développer la cabane comme objet, réalisant une forme de fantasme mêlant souvenirs d’enfance et liberté de composition, le résultat a souvent pris la forme d’un objet déposé, sans réelles interactions envisagées avec le contexte forestier.
Il est important de souligner que le jury — sur un thème aussi générique que la cabane — a quelque peu versé dans un « régionalisme critique ». Les déclarations du jury à l’endroit du gagnant sont explicites et contredisent l’ouverture internationale du concours puisque, comme l’a déclaré le directeur exécutif : « Je suis fier que ce soit un jeune Canadien qui se soit imposé — il s’agissait d’un concours très compétitif, et je pense que M. Fisher s’en est très bien tiré en s’appuyant sur sa connaissance personnelle de notre environnement et de nos traditions pour son projet tout en repoussant l’enveloppe des petits bâtiments respectueux de l’environnement ».
Community Forests International (CFI) organise un concours ouvert au public portant sur la cabane dans les bois du futur. Rassemblant architectes, artistes, passionnés de nature et bricoleurs en tout genre, ce concours est le premier pas pour CFI dans l'établissement d'un campus d'innovation rural sur leur ferme et site forestier de 235 hectares en bordure de Sussex au Nouveau-Brunswick.
Ce campus maritime complimentera le travail à l'étrangé de CFI, l'organisation ayant déjà entrepris la construction d'une institution équivalente sur l'ile de Pemba en Tanzanie. CFI envisage une collaboration étroite entre les deux campus, facilitant un échange international d'idées dans notre lutte commune contre le changement climatique.
En premier lieu, comment CFI peut-elle accommoder les étudiants, innovateurs et invités à son nouveau campus en étant le plus fidèle possible aux objectifs de l'organisation? Chez CFI, nous considérons la nature comme une source d'inspiration et les systèmes naturels comme solutions de design. Les bâtiments de notre campus seraient-ils en mesure de brouiller la ligne entre la nature et l'homme? CFI a choisi de proposer cette question stimulante et complexe à l'ensemble de la communauté travaillant sur la conservation et le développement durable par l'entremise d'un concours d'architecture ouvert à tous.
''Je crois que nous rêvons tous de construire une cabane dans les bois à un certain point dans notre vie. Nous demandons aux participants de s'inspirer de ce rêve et de concevoir comment, dans notre monde moderne, il est possible de retourner à la nature. C'est ce type d'action de restauration qui peut vraiment tous nous inspirer et piquer notre intérêt.
- Estelle Drisdelle, Community Forests International
CFI se donne comme mission d'introduire l'homme à la forêt, d'y vivre pour en apprendre et innover. Nous voulons démontrer comment l'être humain peut vivre sans détruire des écosystèmes essentiels au maintient de la vie. Plus encore, nous voulons repousser les conventions et découvrir comment nos bâtiments peuvent être conçus de façon à avoir un impact positif sur notre milieu. CFI demande donc aux designers, architectes, bâtisseurs et enthousiastes de nous aider à concevoir l'abri du futur - un abri qui mélange homme et nature.
(Tiré du programme du concours)
(Consultez les projets des concurrents pour les commentaires spécifiques du jury)
Katie Tower, CFI cabin design competition draws entries from around the world, Sackville Tribune-Post, 2014
Daimen Hardie, Paris - Los Angeles - Tokyo - New York: the World Answers CFI's Cabin Design Challenge, 2014
Daimen Hardie, Winning designer, Nathan Fisher, donates his $1000 prize to Community Forests International, 2014
Can a building blur the lines between humans and nature?, 2014
Nathan Fisher wins international cabin design competition, Canadian Architect, 2014
Community Forests International seeking designs from public for backwoods cabin, Sackville Tribune-Post, 2014