Concours pour l'Expo Osaka 1970 : quand l'identité canadienne n'était pas une affaire de cirque
L’exposition universelle de Shanghai 2010 nous rappelle que ces grands événements font toujours rêver, au présent comme au passé, mais un retour sur l’Expo d’Osaka de 1970, objet d’un grand concours canadien, laisse songeur sur certaines dérives actuelles du recours au talent des architectes dans les arts du... cirque. Depuis la moitié du XIXe siècle, les expositions ont pourtant offert des édifices mémorables, qu’il s’agisse des grands halls abritant plusieurs expositions, du
Crystal Palace à Londres à la Galerie des Machines à Paris, ou qu’il s’agisse de pavillons nationaux : le pavillon allemand à Barcelone 1929 de Mies van der Rohe, le pavillon américain à Montréal 1967 de Buckminster Fuller, ou le pavillon thématique Philips à Bruxelles en 1958, ce poème électronique de Le Corbusier et Xenakis.
Lorsqu’il s’agit de pavillons nationaux, l’architecture a pour fonction non seulement d’abriter une exposition, mais également de représenter un pays dans le contexte international. À l’occasion des expositions universelles, les concours d’architecture peuvent être considérés comme un lieu privilégié de discussion sur les valeurs d’une société. Dans un tel contexte, la mission du jury est autant plus difficile que le choix ne relève pas uniquement de questions liées à l’innovation ou à la qualité architecturale, mais qu’elle met en jeu des visées sociopolitiques très larges. Dans de tels cas, certes plus rares, le sujet délicat de la représentation de l’image du pays est prédominant. Aujourd’hui, lorsque le Canada se fait représenter à Shanghai par un pavillon signé Cirque du Soleil, reléguant les architectes au digne rôle de consultants techniques, il est peut-être temps de revenir sur un épisode historique qui n’a pas dû livrer toutes ses leçons : car le projet lauréat d’Arthur Erickson et Geoffrey Massey fut effectivement une réussite à tous les niveaux.
Le chantier de l’Expo 67 à Montréal était encore en cours, lorsque le gouvernement canadien décida de confirmer sa participation à l’exposition qui devait suivre, prévue à Osaka pour 1970 et première du genre en Asie. Avec le thème « progrès et harmonie pour l’humanité », elle devait révéler au monde l’image d’un Japon développé et avant-gardiste, loin des turpitudes et des séquelles de la Seconde Guerre mondiale. Quelques-uns des pays participants à cette exposition ont organisé des concours nationaux d’architecture afin de choisir leurs pavillons nationaux et ce fut en particulier le cas des États-Unis, de la Finlande, du Brésil et du Canada.
Le concours pour le pavillon canadien à Osaka 1970 a réuni 208 architectes, plusieurs desquels étaient aussi auteurs de bâtiments sur le site de l’exposition montréalaise de 1967. Les architectes gagnants, Arthur Erickson et Geoffrey Massey, étaient déjà les concepteurs de trois édifices : le pavillon de l’Homme dans la communauté, son annexe, le pavillon de l’Homme et la santé, et, ne l’oublions, les architectes du pavillon canadien ! Avec le recul historique, nous pouvons dire aujourd’hui que cette élection multiple ne fut pas le résultat d’une coïncidence ou d’une manipulation, mais bien une conséquence directe d’une sensibilité particulière des concepteurs à l’image d’un pays soucieux d’affirmer sa modernité. Le projet du pavillon canadien à Osaka 1970 évoquait la grandeur et la simplicité du territoire canadien, avec ses montagnes, son vaste ciel, ses grandes forêts et son eau abondante, le tout sous la forme — très affirmée et très claire — de quatre volumes recouverts de miroirs, formant un tronc de pyramide avec une cour centrale. Ce projet, chargé de symbolisme et d’effets visuels kaléidoscopiques a séduit les membres du jury et tous les visiteurs de l’Expo; il a fait la couverture de presque tous les catalogues et revues japonaises de l’époque ; il a été le pavillon étranger le plus visité, et a reçu entre autres les prix de l’Institut d’architecture du Japon et le prix Massey. Le
Catalogue des Concours Canadiens vous invite, en ce mois propice à la médiatisation des grandes expositions, à découvrir non seulement ce mémorable projet du grand architecte canadien décédé l’an dernier, mais également les projets de Melvin Charney, Roger D’Astous et du groupe Affleck, Desbarats, Dimakopoulos, Lebensold, Sise et d’autres noms devenus depuis célèbres d’une côte à l’autre du territoire canadien.
Coïncidence ou non, un peu plus d’une dizaine d’années après l’exposition d’Osaka, Arthur Erickson a élaboré le projet pour l’ambassade canadienne à Washington. Cela nous rappelle qu’entre l’architecture événementielle d’une exposition universelle et celle d’une architecture permanente se jouent des questions de représentation diplomatique et culturelle, aussi de créativité et imagination ; mais pas toujours de transparence des procédures et des jugements. L’enthousiasme avec lequel le pays a vécu les expositions universelles de Montréal 1967 et Vancouver 1986 mérite encore de revisiter un concours datant déjà de quarante ans : l’architecture étant toujours un défi à relever.
Le chantier de l'Expo 67 à Montréal était encore en cours, quand le Canada a confirmé sa participation à l'exposition suivante, celle d'Osaka 1970, devenant ainsi le premier pays étranger à confirmer présence à l'exposition japonaise. Première du genre en Asie, elle avait pour thème « progrès et harmonie pour l'humanité », dans le but de montrer au monde l'image d'un Japon développé et avant-gardiste.
Le contexte de l'organisation du concours pour le pavillon canadien à Osaka coïncide avec le développement économique de l'après-guerre, le baby-boom, la Révolution tranquille québécoise, le centenaire de la confédération canadienne et l'exposition universelle de Montréal 1967. Il y avait ainsi un certain enthousiasme avec les expositions universelles et le rôle que les pavillons nationaux pourraient jouer dans la représentation diplomatique et culturelle du pays à l'étranger. Organisé par le Ministère du commerce et la Commission des expositions du gouvernement canadien, ce concours a réuni 208 architectes, plusieurs desquels étaient aussi auteurs de bâtiments sur le site de l'exposition montréalaise.
D'une durée de six mois, et avec deux étapes de projets, ce concours soulève un débat autour d'une discussion sur quelle serait la meilleure image que le Canada devrait apporter à l'exposition japonaise. Le rapport du jury laisse claire que le pavillon doit atteindre une image « forte et dramatique » et qu'il doit se démarquer des autres pavillons de l'exposition. En bref, une image d'auto confiance. Des six projets finalistes, le jury a choisi celui des architectes de Vancouver, Arthur Erickson et Geoffrey Massey, avec l'argument que ce projet présentait l'approche la plus sensible de l'image du Canada et dégageait un lien appréciable avec la sensibilité esthétique japonaise.
(Texte CCC)
Au mois d'octobre 1966, le Canada fut le premier pays qui accepta l'invitation du Gouvernement japonais de participer à l'Exposition Universelle du Japon; cette exposition, approuvée par le Bureau International des Expositions, se tiendra à Osaka du 15 mars au 13 septembre 1970.
C'est la première du genre en Asie et elle devrait contribuer de façon tangible à la bonne entente entre l'Occident et l'Orient. Par sa participation, notre pays espère laisser aux 30 millions de personnes qui, estime-t-on, visiteront l'Expo '70 une impression vivante, favorable et durable du Canada et de sa population. Etant donné l'importance qu'il attache à ce projet, le Gouvernement canadien décida, après une étude approfondie, d'inviter tous les membres résidents de l'Institut Royal d'Architecture du Canada à concourir pour la conception du Pavillon de notre pays à Osaka; la Commission des Expositions du Gouvernement canadien, qui relève du Ministère du Commerce, s'en vit confier l'organisation.
Le concours, approuvé par l'Institut Royal d'Architecture du Canada, fut conduit suivant les règlements du Document No. 4 de cet organisme.
Vu le peu de temps disponible et le manque de précisions sur le Plan directeur de l'exposition, l'on adopta l'idée d'un concours en deux étapes. Les projets conçus suivant les renseignements fournis au mois de décembre 1966 furent présentés et jugés à la fin de la 1ère étape; les concurrents retenus pour la 2ème étape purent réviser leurs plans, jusqu'en avril 1967, en tenant compte des données et des conditions découlant de la mise au point du Plan directeur à Osaka et du perfectionnement apporté au thème et à la conception des aires d'exposition par les responsables canadiens.
Le programme prévoyait environ 43,500 pieds carrés pour les divers espaces d'exposition, 15,000 pieds carrés pour les services et les activités connexes et à la fois l'aménagement complet d'un site d'une superficie totale de 103,337 pieds carrés. Tous les concurrents étaient tenus de s'astreindre d'une façon rigide au budget précis stipulé dans les règlements du concours pour le coût final de la construction du pavillon; par souci d'impartialité, l'on retint les services d'une équipe de métreurs-conseils qui analysa les projets et les devis soumis aux deux étapes du concours.
Malgré un calendrier rigide et le peu de temps disponible (huit semaines pour la 1ère étape et neuf semaines pour la 2ème étape), la réponse des membres de la profession fut massive et des plus encourageantes: des architectes de toutes les parties du pays soumirent un total de 208 projets à la fin de la 1ère étape. Si l'on faisait une évaluation succincte du nombre total des heures employées pour tous ces travaux et celle des dépenses encourues, l'on aurait déjà une preuve impressionnante de l'immense intérêt suscité par ce concours.
Dans leur ensemble les projets présentaient un éventail de solutions des plus variées; chaque projet faisait preuve de l'imagination, de l'originalité et de la haute compétence professionnelle de leur auteur. Au Jury incomba la tâche délicate de choisir les meilleurs projets présentés à la 1ère étape et par la suite, parmi les six finalistes de la 2ème étape, le projet le plus transcendant qui alliait à la fois l'excellence de l'architecture à la solution la plus efficace pour la présentation des éléments d'exposition.
Nous félicitons chaleureusement les architectes Erickson et Massey pour leur excellent projet qui fut couronné à l'unanimité des membres du Jury. Les cinq autres finalistes méritent aussi des éloges personnels pour la haute tenue et la distinction de leurs projets et pour la compétence dont ils ont fait preuve. Tous les finalistes ont reçu une prime de $4,500.00. Pour souligner l'importance de ce concours et à cause de la qualité de leur présentation, le Jury décida d'accorder une "mention honorable" à six autres projets et d'en retenir 31 autres comme projets méritoires. Le Jury n'a pas cru nécessaire d'attribuer à ces projets un ordre de mérite particulier; dans le présent rapport ils sont donc publiés par ordre alphabétique suivant leur catégorie.
Les membres du Jury ont vivement regretté l'absence du Professeur Kenzo Tange du Japon qui avait accepté de se joindre à eux mais qui en fut empêché à la dernière minute à cause de circonstances en dehors de son ressort.
Avant de terminer mon rapport, qu'il me soit permis d'exprimer mes remerciements les plus sincères aux membres du Jury qui se sont acquittés de leur tâche délicate avec sagesse, conscience et impartialité.
Je désire aussi féliciter tous les architectes qui ont contribué au succès de ce concours par l'excellence de leurs travaux. Mes remerciements s'adressent aussi au Promoteur du Concours, le Gouvernement canadien, représenté par sa Commission des Expositions, pour avoir institué ce concours architectural et accepté la recommandation du Jury de publier le présent rapport.
Ce fut pour moi un grand honneur, un privilège et un plaisir d'agir comme conseiller professionnel et comme président de ce concours.
(Tiré du rapport du jury)